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royal, avec les prélats et les pairs, que les tenanciers de la couronne ; elle ne parle ni d’élection, ni de représentation, ni de villes, ni de bourgs. Sous Henry III, successeur de Jean, il y a déjà un vrai parlement représentatif. Il naît dans l’ombre ; les vieux historiens s’occupent à peine de ces assemblées. Le 22 janvier 1265, le parlement se réunit à Londres. Les lettres de convocation ordonnent aux shérifs[1] de choisir et d’envoyer deux chevaliers par comté, deux citoyens par ville, et deux bourgeois par bourg du comté. Sous Édouard II (1272-1307), il y eut douze parlemens, où chevaliers, propriétaires, bourgeois, prirent place. Ce roi s’en servit dans toutes ses entreprises, notamment pour faire sanctionner le meurtre de David de Galles, et pour subjuguer l’Écosse. Le parlement de 1327 était assez puissant pour déposer le roi Édouard II. Sous son règne s’opéra sans doute la séparation définitive du parlement en chambre haute et chambre basse ; le grand conseil féodal s’organise en quelque sorte, les rôles se divisent. Sous Richard II, les communes ne se contentent plus de voter l’impôt en bloc ; elles votent des fonds pour des services spécifiés. Sous ce règne et sous le suivant (Henry IV), le parlement se réunit presque chaque année. Dès la fin du XIIIe siècle, les communes sont donc un organe reconnu de la constitution anglaise. La souveraineté de fait est déjà dans le parlement ; mais dès cette époque son attitude vis-à-vis de la royauté est plutôt défensive qu’agressive. Quand le parlement proclame le 30 septembre 1399 la déposition de Richard II, le duc de Lancastre s’avance vers le trône vacant et prononce la formule : « au nom de Dieu le père et du Fils et du Saint-Esprit, moi, Henry de Lancastre, réclame ce royaume d’Angleterre, parce que je suis descendu en ligne directe du bon lord roi Henry III, lequel royaume était sur le point de se défaire par manque de gouvernement et par violation des bonnes lois. » Cela dit, Henry s’assit sur le trône. La royauté reconnaissait le parlement comme son juge ; on punissait le roi sans punir la royauté. Les guerres des deux roses fortifièrent pourtant le pouvoir royal en détruisant les grandes familles. Sous les Tudors, les communes deviennent humbles et serviles ; Henry VIII écrivait cependant au pape : « Les discussions du parlement anglais sont libres et sans restrictions ; la couronne n’a ni le droit de limiter les débats, ni celui de contrôler les votes des membres. »

À la fin du XVe siècle, les rois dans tous les pays avaient lutté avec succès contre l’aristocratie, Ferdinand d’Aragon, Ferdinand de Naples, Louis XI, Henry VII. Il semblait que les mêmes causes

  1. Le shérif est le vicomte normand de chaque province ou shire saxonne auquel les Saxons conservaient le vieux nom de shire-reve.