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s’embarque sur un bateau à vapeur qui le transporte à sa destination en huit jours, tandis que les barques mettaient autrefois deux mois à faire le même voyage.


III

Les missions catholiques de la Chine constituent pour la France une question spéciale qui l’oblige d’avoir une politique à elle, et de suivre cette politique avec prudence. Bien que toutes les missions catholiques ne soient pas françaises, elles sont toutes réellement sous le protectorat de notre pays. Or l’œuvre de la propagation de la foi est en butte, depuis quelques années surtout, à un sentiment de défiance, on peut même dire d’animosité, dans presque toutes les provinces de l’empire chinois. Les massacres de Tien-tsin n’ont été dirigés que contre les missions catholiques et par suite contre la France, dont celles-ci sont considérées comme étant l’œuvre politique.

Le point de départ de ce fâcheux état de choses doit être recherché dans la guerre de 1857, entreprise par le gouvernement impérial, de concert avec l’Angleterre, en apparence pour venger le meurtre d’un missionnaire, l’abbé Chappedelaine, en réalité, disait-on alors, pour renouer avec nos voisins des relations plus intimes d’alliance. Cette guerre a changé complètement les conditions d’existence des missions vis-à-vis de la société chinoise, et il ne pouvait en être autrement. Le traité conclu en 1844 par M. de Lagrené assurait aux missions le droit de présence en Chine ; leur œuvre se poursuivait dans un calme sinon complet, du moins suffisant pour reprendre la chaîne rompue par les persécutions antérieures. L’esprit libéral dans lequel sont rédigés les articles relatifs aux missions prouve clairement que la perspective de voir ses sujets devenir chrétiens. n’effrayait pas plus alors le gouvernement chinois qu’il ne s’émeut depuis longtemps de les voir devenir musulmans, bouddhistes ou juifs. La guerre de 1857 lui a montré que les missions pouvaient avoir un but politique, et que la croix que l’on promenait dans ses dix-huit provinces était pour l’avenir escortée d’une épée redoutable. Les missionnaires n’ont plus été regardés que comme des émissaires français.

Le baron Gros ne perdit pas de vue, dans la conclusion de ses traités, les difficultés que la guerre venait de susciter, et regarda comme dangereux d’exiger pour les missions des concessions trop larges. Dans le premier traité, qu’il conclut à Tien-tsin en,1858, il s’en était tenu aux bases du traité Lagrené. Voici l’article de ce traité qui se rapporte aux missions.