Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1810, sir Francis Burdett fut arrêté et emprisonné à la Tour par ordre du parlement. La chambre des communes peut mettre en accusation et faire juger par la chambre des lords, convertie en cour suprême, non-seulement les ministres, mais tous les officiers de la couronne ; on se souvient du procès de Warren Hastings. Dans ces grands procès, les communes sont représentées par trois accusateurs ; c’étaient, pour Warren Hastings, Burke, Fox et Sheridan. Le dernier procès de ce genre a été, dans ce siècle, celui de lord Melville, accusé de malversation.

La prérogative judiciaire de l’assemblée est une arme bien émoussée ; on saurait à peine parler aujourd’hui des privilèges du parlement, car le plus humble Anglais jouit de la liberté de la parole et de la liberté personnelle. Depuis longtemps, il n’y a plus de précautions à prendre pour garantir les députés contre l’autorité royale. Aussi chaque fois que les communes ont voulu invoquer de trop grands privilèges, la nation et la justice du pays ont repoussé ces prétentions. Elles ont triomphé des communes quand celles-ci ont voulu empêcher les imprimeurs de reproduire leurs débats ou priver des citoyens des bénéfices de l’habeas corpus et les soustraire aux tribunaux ordinaires. En 1771, un imprimeur, Wheeble, fut cité devant la chambre pour répondre de la publication des débats parlementaires ; il refusa de paraître. La chambre offrit une prime de 50 livres pour son arrestation. Wilkes, alors alderman faisant fonction de juge à Guildhall, acquitta l’imprimeur. Un autre imprimeur intenta une poursuite contre le messager de la chambre chargé de l’arrêter. Wilkes et Oliver condamnèrent ce messager à payer caution. Les ministres mirent Oliver à la Tour, et peu de temps après le lord-maire Crosby. Les juges refusèrent de s’interposer entre la chambre et les magistrats de la Cité, et ceux-ci restèrent en prison jusqu’à la fin de la session. Depuis cette époque, les journaux ont publié sans être inquiétés les débats de la chambre. Tous ces procès ne sont que des souvenirs. Les communes hésiteraient longtemps aujourd’hui avant de poursuivre un pamphlétaire ou un orateur pour « mépris de leur privilège. » La diffamation contre la chambre ou contre l’un de ses membres peut être réprimée par a la cour du banc du roi, » aussi bien que tout autre libelle calomnieux.

Il faut bien le remarquer, toutes les fois que les communes font l’abandon de quelque ancien droit, c’est moins au profit du pouvoir exécutif que du pouvoir judiciaire : le pouvoir exécutif, c’est encore le parlement, car il n’est qu’une délégation du parlement, c’est un pouvoir essentiellement politique ; mais il est arrivé fréquemment que la chambre des communes a fait des sacrifices volontaires au pouvoir judiciaire, qui vit en dehors et au-dessus des partis. C’est