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religion. En moins d’une semaine, Canton, Hongkong, Fou-tchéou, tous les ports et provinces qui s’étendent depuis le sud de la Chine jusqu’au Fleuve-Bleu, furent pris de la même panique, et il en résulta des troubles assez graves. Le vrai remède aux soupçons de toute sorte est, pour les missionnaires, de mettre l’autorité chinoise à même de réfuter les mensonges qui se répandent, et pour cela de tenir ouvertes les portes de leurs établissemens.

La circulaire condamne le ministère des sœurs de charité ; pour les Chinois, la présence d’une femme près du lit du premier venu est un scandale, sa place est au gynécée. Les Chinoises chrétiennes s’assemblent dans la même église que les hommes, autre sujet de scandale signalé par la circulaire ; il est de principe absolu en Chine que la femme doit vivre séparée de la société des hommes. Nous avons connu des chefs de missions qui, par suite de ces préjugés, trouvent plus simple et plus prudent de confier les enfans qu’ils recueillent à des nourrices chinoises, chrétiennes ou même païennes, dispersées dans les campagnes. Le point le plus important sur lequel le gouvernement de Pékin attire l’attention est la tendance qu’ont les chrétiens chinois à se grouper autour de leurs missionnaires et à se former en communautés qui ne reconnaissent d’autorité que celle de leur chef spirituel. Un fonctionnaire chinois nous exprima un jour sur ce point, son opinion en termes énergiques. Nous voulions faire construire, dans l’enceinte d’un établissement dont nous avons déjà parlé, une chapelle nécessaire aux besoins religieux d’un personnel européen presque entièrement catholique. « Je suspendrais les travaux, nous dit le mandarin placé près de nous, et licencierais votre personnel plutôt que de laisser construire une chapelle ici. Ce n’est pas que je veuille vous empêcher de remplir vos devoirs religieux ; mais à votre chapelle, à la suite du prêtre qui viendra la desservir, arriveront des chrétiens chinois dont la présence pourra me créer des difficultés. J’ai été gouverneur de province, et j’ai vu ces gens de près : ce ne sont pas les enseignemens de votre religion qui les attirent, ils ne sauraient les comprendre ; leur seul but en se convertissant est d’échapper à notre action. Dans cet établissement, qui appartient à l’empereur et où j’ai des pouvoirs absolus, si l’un de ces chrétiens venait à commettre un vol, je ne pourrais lui faire trancher la tête sans avoir contre moi vos missionnaires et vos consuls. Vous êtes trop juste pour ne pas admettre ces raisons. » Nous résolûmes la difficulté en construisant notre chapelle sur un terrain situé en dehors de l’enceinte réservée. Ce mandarin nous avait exprimé le plus sérieux grief des gens de sa classe contre l’œuvre de la propagation de la foi. Nous avons déjà dit que les néophytes viennent des classes inférieures de la