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donné. Un mélancolique rayon de soleil couchant se reflétait sur les derniers jours de cette vieille église qui s’en allait mourante. Quelques prêtres étrangers avaient continué de s’intéresser à la pauvre agonisante. On en rencontrait encore quelques-uns à Milan, ce vieux centre d’autonomie ecclésiastique, et dans le clergé de Paris, où quelques élémens jansénistes, très adoucis, mais toujours fidèles aux souvenirs de Port-Royal, se sont longtemps maintenus. En 1859, deux prêtres italiens, Nicolini Thomas, de Milan, et Emmanuel Johannes, de Pavie, faisaient parvenir à l’archevêque H. Loos, récemment élevé au siège d’Utrecht, une lettre pleine de sympathies chaleureuses. Un curé de Paris, M. P. -J. Jobart, mort il y a quelques années, resta jusqu’à la fin de sa vie en relations avec les anciens catholiques néerlandais. Lorsqu’on pénétrait dans leurs modestes sanctuaires, notamment à Utrecht, à Oudewater, à Delft, à Enkuyzen, on était tout surpris d’y découvrir des ornemens d’église d’une beauté rare ou d’un grand intérêt historique, des chasubles byzantines, des vêtemens sacerdotaux du moyen âge, de vieilles remontrances, des coupes, des dentelles d’une valeur considérable et d’un travail exquis, la croix pectorale de l’évêque Jansénius, l’anneau épiscopal de l’archevêque Neercassel, etc. A Utrecht, on pouvait examiner les belles archives de la petite église et parcourir toute une série d’autographes provenant des anciens évêques de la ville métropolitaine. C’étaient autant de témoins muets de la connexion de l’ancien diocèse avec l’église actuelle, seule propriétaire légitime de ces débris des richesses appartenant jadis à l’église catholique des Pays-Bas ; on pouvait même y trouver de curieuses reliques. Hélas ! l’église elle-même semblait passée à l’état de relique, de débris fossile d’un temps et d’un état d’esprit à jamais disparus. En pénétrant dans ces humbles chapelles, on croyait entrer dans le caveau de famille où dormaient ensemble les vieux gallicans, Port-Royal-des-Champs et l’ancien épiscopat de la Néerlande. C’est donc là tout ce qui restait de tant d’efforts, de tant de sacrifices, de tant de grandeurs !

Mais ne voilà-t-il pas qu’en très peu d’années, en peu de mois, la scène change, que des circonstances imprévues rendent un nouveau lustre à l’église qui s’affaissait lentement sur les tombeaux sacrés confiés à sa garde ! Et à qui doit-elle cette renaissance inespérée ? A cet ultramontanisme même qui avait déjà entonné plus d’un chant de triomphe sur ses ruines. Le pontificat de Pie IX ouvre en effet une ère nouvelle à l’ancien épiscopat néerlandais. Déjà la proclamation du dogme de l’immaculée conception avait provoqué une vigoureuse protestation de l’archevêque d’Utrecht contre cette doctrine inconnue de l’antiquité catholique et imposée à l’église