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des études plus distinguées : telle est l’école d’art pour les femmes (Kunstschule für Frauen) à Munich. C’est une fondation récente, qui paraît destinée à réussir ; il y vient, nous dit-on, des élèves d’Angleterre et même d’Amérique. Enfin un grand nombre de sociétés se proposent de relever la destinée des femmes, non-seulement en leur ouvrant de nouvelles branches d’industrie, mais encore en leur procurant des plaisirs élevés et des distractions instructives ; elles instituent des récréations du soir (Abendunterhaltungen) qui réunissent les ouvrières toutes les semaines ou tous les quinze jours pour des lectures, des conférences, des spectacles et des chants. Nous avons sous les yeux le compte-rendu d’une série de ces séances tenues à Hambourg ; elle s’ouvrit par une conférence populaire sur l’électricité avec des expériences, puis vint l’exécution d’une sonate de Mozart et de lieder de Mendelssohn et de Schubert. D’autres fois ce furent des leçons sur la poésie locale et le patois du pays. Ce qu’ont produit jusqu’ici ces œuvres, il serait difficile de le dire, — bien peu de chose peut-être : — ce sont des semences et non des récoltes ; mais des indices nombreux permettent de conjecturer que le succès est assuré dans un laps de temps de quelques années.

De tous les pays, la France est celui où, depuis le moyen âge, la femme a tenu la plus grande place dans la littérature, dans la politique et surtout dans la société ; c’est celui où les lois civiles ont été le plus favorables à son indépendance et où les mœurs et les lois commerciales lui ont ouvert la plus grande sphère d’action ; c’est aussi la terre où par le développement des productions délicates les ouvrières ont trouvé le plus de débouchés. Quelles que soient les misères trop réelles de la condition des femmes dans notre civilisation, on peut dire que la France a été pour elles une terre promise. Il n’en est pas moins vrai que nous manquons encore d’un système d’instruction pratique destiné à développer l’éducation des ouvrières. La commission de l’enseignement technique en 1865 émettait avec raison le vœu suivant : « L’instruction industrielle et agricole des femmes ne mérite pas moins que celle des hommes la sollicitude et l’appui du gouvernement. Les encouragemens de l’état peuvent donc être utilement donnés aux établissemens fondés pour le développement de l’instruction technique des jeunes filles… L’organisation de l’enseignement commercial en faveur des femmes, convenablement approprié à leur sexe, mérite tout particulièrement les encouragemens de l’état. » Malgré ces déclarations officielles, on ne peut dire que de grands efforts aient été tentés en France pour améliorer la situation : nous avons à exposer moins des faits que des projets, et plutôt des plans d’établissemens à constituer dans l’avenir que des fondations déjà créées