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États-Unis, de sorte que si, — ce qu’à Dieu ne plaise, quoiqu’un certain nombre de têtes politiques le tiennent pour très possible, — une guerre éclatait entre l’Angleterre et les États-Unis, il est probable qu’on verrait les corsaires munis de lettres de marque reparaître à l’horizon et répéter la plupart des violences qui, au commencement du siècle, marquèrent la lutte entre l’Angleterre et le vainqueur d’Austerlitz, alors maître du continent. Il n’est guère douteux qu’en pareil cas on verrait sortir des ports d’Amérique une flotte d’Alabamas qui se rueraient sur les innombrables navires du commerce anglais comme sur une proie riche, facile et sûre. Ainsi, quant au droit maritime international, le progrès est beaucoup moindre en réalité qu’en apparence.

Sur les différens points que nous venons d’indiquer, M. Calvo a rendu au public le service de faire connaître l’opinion individuelle de chacun des auteurs notables qui s’en sont occupés. Son ouvrage rend ainsi facile l’étude du droit international, car c’est une bonne fortune pour le lecteur studieux que de savoir toutes les sources où il peut puiser pour chaque question. On s’est étonné cependant qu’il n’ait pas mentionné des documens historiques remarquables par la vigueur de leurs considérans, par exemple les deux décrets de Berlin (10 novembre 1806) et de Milan (17 décembre 1807), rendus par Napoléon au faîte de sa puissance, dans l’intérêt de la liberté des mers, contre l’Angleterre, qui par des ordonnances, appelées ordres en conseil (orders in council), avait inventé un système monstrueux de blocus, ouvertement violé les droits des neutres, et mis en activité à l’égard des matelots des bâtimens marchands un système de rigueurs inexcusables. Elle les enfermait dans les pontons comme des prisonniers de guerre. Il est vraisemblable que les préambules de ces décrets furent écrits de la main même de l’empereur ; ils portent son cachet, et les argumens qui y sont résumés contre les prétentions de l’Angleterre seraient malaisés à réfuter. Il est à regretter que par ces décrets mêmes il eût associé à des raisonnemens sans réplique des mesures excessivement violentes où, sous le prétexte de représailles, les individus n’étaient pas épargnés. M. Calvo aurait pu citer aussi une sentence remarquable émanée de Napoléon, quand, captif à Sainte-Hélène, il était dépouillé de tout pouvoir, mais restait encore un grand esprit. « Nous devons nous rabattre sur la libre navigation des mers et l’entière liberté d’un échange universel[1]. » C’est le principe dont il s’agit encore aujourd’hui d’assurer le triomphe.

Entre les autres questions, qui dans le cours de ce siècle ont fait

  1. Mémorial de Sainte-Hèlène, 12 mai 1816.