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est que le siège de Paris et la guerre de France puissent se terminer promptement, grâce à la justice et à la modération que montreront les négociateurs[1]. » Est-il besoin de le dire ? ces avis tardifs ne pesèrent d’un grand poids ni sur l’esprit de M. de Bismarck, ni sur le résultat des négociations entamées. Cette dernière homélie de la diplomatie anglaise ne pouvait rien réparer, et elle ne fut prise au sérieux par personne.

La France était abattue, et l’Angleterre était jouée. Depuis plusieurs jours déjà, la conférence de Londres avait commencé ses travaux, et l’absence du plénipotentiaire français se faisait cruellement sentir à nos alliés. Une grave difficulté s’était élevée, longtemps avant la réunion des plénipotentiaires, sur les termes dans lesquels la question serait posée et sur le point de départ qu’on donnerait à la discussion. Lord Granville avait exigé qu’on mît pour condition à la conférence une entière liberté d’examen, sans aucune « conclusion préconçue ni aucun engagement préalable » d’accepter les termes posés dans la circulaire du prince Gortchakof[2]. Soutenu d’abord par la seule Autriche, il avait dû, à défaut de la France, chercher l’appui de l’Allemagne et se livrer d’autant plus au cabinet de Berlin. La Prusse en effet avait adhéré à ces conditions et répondait d’obtenir l’assentiment de la Russie ; mais elle ne se hâtait guère et faisait durer adroitement des incertitudes qui lui étaient commodes, puisqu’elles lui donnaient le temps d’en finir avec la France.

Lord Granville inséra donc dans la dépêche circulaire par laquelle il comptait inviter les puissances un passage impliquant la reconnaissance formelle du principe de l’inviolabilité des traités, et constatant de la manière la plus explicite que « toutes les stipulations du traité de 1856 devaient être considérées comme valides par tous les cosignataires tant qu’elles n’auraient pas été abrogées, ou modifiées d’un commun accord[3]. » Mais le baron de Brunnow, ambassadeur de Russie à Londres, déclara que, sur une invitation pareille, son gouvernement ne lui permettrait pas d’assister à la conférence. Alors le diplomate anglais imagina de remplacer cette dépêche par une déclaration insérée au protocole de la première séance, où serait consacré le principe qu’on ne saurait se soustraire aux obligations qu’impose un traité que du consentement de toutes les parties contractantes. Cédant à l’influence prussienne, c’est-à-dire à l’influence russe, il en fit une première rédaction

  1. Lord Granville à M. Odo Russell, 26 janvier 1871.
  2. Le comte Apponyi au comte de Beust, 2 décembre 1870.
  3. Le comte Apponyi au comte de Beust, 18 décembre 1870.