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qu’à toute fabrique occupant plus de 20 ouvriers, et, pour innover le moins possible, la loi de 1851 a respecté cette condition et maintenu cette limite. Aller plus loin eût paru un acte d’inquisition envers les petits ateliers ; c’est ainsi que pour éviter un excès on est tombé dans un autre.

Pour les deux cas, ces scrupules étaient de trop. Sans une inspection soldée point de garantie pour les enfans dans le régime des ateliers, et des peuples qui répugnent plus que nous aux servitudes de police, les Anglais et les Belges, n’ont pas reculé devant celle-là. L’inspection soldée n’est pas seulement admise, elle est en honneur chez eux, et ne fait pas moins bonne figure aux États-Unis. À plus forte raison règne-t-elle dans les pays de haute discipline comme la Prusse et l’Autriche. Voilà des exemples qui depuis longtemps auraient dû nous déterminer, et cela pour les petits ateliers comme pour les grands et les moyens. L’exécution de la loi peut entraîner des exceptions ; la loi ne doit point en reconnaître et encore moins en créer. Même règle pour le contrat d’apprentissage : ce n’est pas seulement le sixième, c’est la totalité des enfans qui devrait en tirer une protection contre l’abus des destinations domestiques et l’embauchage outré des spécialités. Pris au sérieux, le contrat n’a qu’une signification, l’instruction aussi complète que possible de l’enfant, et, ainsi entendu, il ne saurait être un privilége de position ; tous y ont droit au même titre. Ce retour à un traitement commun est d’autant plus urgent que, dans l’état des faits, la garantie d’un contrat manque surtout aux apprentis qui en auraient le plus besoin. Il est constant en effet que la majeure partie des engagemens sans contrat appartiennent aux petites industries de Paris. Sur les 101,171 fabricans recensés entre 1860 et 1864, on a calculé que 7,492 seulement occupaient plus de 10 ouvriers, que 31,480 occupaient de 2 à 10 ouvriers, que 62,199 n’avaient que 1 ouvrier ou travaillaient seuls. L’opinion des hommes bien informés est qu’il faut rattacher à cette dernière catégorie de patrons les 15,219 apprentis libres que signalait le même recensement. Voilà un premier groupe, exclu jusqu’ici du bénéfice de la législation ; il en est un second, non moins digne d’intérêt, c’est celui qu’emploie l’ensemble des ateliers de Paris à titre d’auxiliaires salariés, et dont le nombre s’élève à 5,798 (4,898 garçons et 900 filles). Pour les deux groupes, le grief commun est celui-ci : un apprentissage défectueux. Le remède le plus naturellement indiqué serait de faire du contrat la règle habituelle de l’apprentissage, tandis qu’il n’en est que l’exception.

Il y a eu quelques efforts tentés dans ce sens de la part des conseils de prud’hommes, arbitres et juges de ces questions. Plusieurs fois, ils ont essayé de donner à leur juridiction une influence plus