Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
529
LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

on va le voir. De raffinement en raffinement, on en était arrivé à un type de contrat d’apprentissage qui de gratuit en apparence devenait en réalité fort onéreux. La première charge pour l’enfant et pour les parens était de souscrire avant le concours, sous peine de déchéance, à tous les engagemens que plus tard on prendrait en son nom. Les parens devaient en outre fournir à l’apprenti un lit complet où il devait toujours coucher seul, ainsi que le linge, les habillemens, les chaussures, dont il pouvait avoir besoin. D’autres conditions non moins strictes s’ajoutaient à celles-là, par exemple l’interdiction pour l’enfant d’être placé chez son père ou sa mère et l’obligation de coucher et de prendre ses repas chez son maître ou sa maîtresse d’apprentissage. En cas d’incompatibilité d’humeur, l’engagement pouvait être rompu sans indemnité de part et d’autre après une épreuve faite qui ne pouvait avoir lieu plus d’une fois, ni se prolonger au-delà d’un mois. Telles étaient les clauses imposées aux parens. De son côté, le patron s’engageait à traiter l’apprenti en bon père de famille ; il se dessaisissait également de toute la partie de la subvention municipale qui, par les incidens du contrat, demeurait sans emploi, et alors toutes les remises obtenues sur les 450 francs du prix étaient réservées au profit de l’apprenti ; inscrites à son nom sur un livret de la caisse d’épargne, elles lui étaient délivrées à la fin de son stage. Sur la multiplicité et l’exagération de ces règles on peut juger que, dès les débuts, on attachait une importance trop grande à ces concours. Toutes les formes en étaient accomplies avec une sorte de solennité. Les corps intéressés renchérissaient là-dessus, le conseil municipal comme le comité central de l’instruction primaire. On appliquait à ces concours les méthodes d’entraînement en vogue dans l’enseignement supérieur. On dressait, pour y prendre part, des sujets d’élite ; l’engouement s’en mêlait.

Le comité central ne tarda pas à en éprouver les effets ; le concours, tel qu’il l’avait institué, avait exercé, au-delà de ses vœux, l’émulation des maîtres et des élèves. Parmi les 91 candidats qui prirent part au concours en 1847, 77 avaient dépassé l’âge de l’école primaire. Ils étaient restés ou ils étaient rentrés pour obtenir le prix. Par leur supériorité d’âge et de culture, ils écrasaient le concours et en faussaient l’intention. C’était s’adresser à une élite, principe dangereux, surtout dans les écoles primaires, où l’instruction doit être l’égal patrimoine de tous. Comment obvier à cet abus ? On fixa l’âge réglementaire à quinze ans : c’était encore trop ; la grande majorité des enfans ne peut rester à l’école après douze ou treize ans. Des plaintes privées se produisirent d’abord, qui restèrent sans effet ; plus tard, ce fut le tour des représentations officielles. « Si les