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influence diamétralement opposée à celle de l’atropine ; c’est la fève de Calabar, dont les propriétés ont été découvertes en 1863 par un habile médecin d’Edimbourg, M. Fraser. Cette graine (ou plutôt l’alcaloïde qu’elle contient, et qui a été isolé en 1865 par un chimiste français, M. Vée) détermine une contraction, un resserrement si énergique de la pupille de l’œil, que cet orifice s’oblitère presque complètement. La constriction pupillaire atteint son maximum environ une heure après l’ingestion de la substance active, et y persiste environ trois heures, puis elle disparaît lentement. Cette action sur les muscles qui président aux mouvemens de l’iris dépend de l’excitation d’un nerf particulier. L’atropine paralyse ce nerf, ce qui provoque une dilatation de la pupille. Il y a donc antagonisme entre le principe actif de la fève de Calabar et l’atropine, et l’expérience démontre que les effets de l’une annulent ceux de l’autre. Les ophthalmologistes commencent à utiliser ces propriétés.

On voit que chaque alcaloïde, indépendamment d’une action générale sur l’économie, en a une spéciale sur un certain système ou sur un certain organe. Or la digitale est un poison ou un remède du cœur. Après Cullen, qui avait pourtant si bien marqué la véritable utilité de ce remède, il ne fut guère employé que comme diurétique. Dans ces dernières années seulement, M. Traube, professeur à Berlin, et M. Hirtz, professeur à Strasbourg, ont repris l’étude de ce végétal, et remis en lumière par des expériences et des faits cliniques l’importance de l’action qu’il exerce sur la circulation et la chaleur de l’économie. Grâce au pouvoir qu’il a de ralentir les battemens du cœur et par suite de refréner les mouvemens du sang, cet agent est salutaire dans toutes les maladies, surtout dans celles d’un caractère fébrile, où il faut modérer l’activité du feu intérieur. La digitale doit ces propriétés à une matière qui jusqu’ici n’avait pu être isolée complètement. On n’en savait retirer qu’une substance amorphe, jaunâtre et complexe, d’une énergie variable. Il y a quelques mois, un chimiste habile, M. Nativelle, est parvenu à en extraire un principe d’une composition bien définie, en fines aiguilles cristallines, blanches, extrêmement amères, et qui est la vraie digitaline. L’Académie de médecine a décerné un prix extraordinaire à l’auteur de cette découverte. La digitaline préparée par le nouveau procédé est tellement active qu’à la dose d’un quart de milligramme seulement, chez l’homme, elle agit sur les mouvemens du cœur, et qu’à celle de 5 milligrammes elle donnerait la mort. D’autre part cet effet est si caractéristique et si sûr que, lorsque la digitaline existe dans un mélange en si petite quantité qu’on ne l’y puisse déceler par des réactions chimiques, on a un moyen infaillible de l’y reconnaître en examinant l’action du mélange sur le