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économique de la campagne romaine. C’est actuellement un désert, mais un désert très fertile, puisqu’il produit sans engrais jusqu’à 24 hectolitres à l’hectare, comme les meilleures terres de France et de Belgique, ou comme les terres noires de la Russie. Pour le convertir en un jardin d’une admirable fécondité, il suffirait de faire cesser ou de neutraliser les effets de la malaria. Voilà le grand et complexe problème sur lequel le gouvernement italien appelle l’attention des hommes spéciaux de tous les pays. En dehors de l’Italie, où les ingénieurs ont déjà notablement amélioré les conditions hygiéniques des maremmes toscanes, ce serait la Néerlande qui probablement fournirait le plus d’élémens de comparaison et d’exemples utiles à consulter, car elle aussi a des terrains fertiles, comme ceux des environs d’Ostie et de Castel-Fusano, exposés à la fièvre des polders. Je citerai un seul fait : grâce à une diète particulière, les ouvriers qui ont exécuté les travaux si malsains du dessèchement du lac de Harlem n’ont presque pas souffert de la fièvre.

Dans ses conclusions, M. Pareto avoue qu’il ne connaît aucun remède qui puisse faire disparaître le fléau à bref délai ; mais il compte qu’il cédera peu à peu aux lentes influences de cette vie plus active qui s’éveille en ce moment dans la capitale si longtemps endormie. L’état pourrait assécher les grandes lagunes, puis, après une étude approfondie du régime d’écoulement des eaux, édicter des règlemens sévères qui feraient disparaître de nombreux foyers d’insalubrité. La terre devrait aussi être arrachée aux liens de la mainmorte et des majorats. Actuellement, personne n’a un intérêt direct à exécuter des améliorations agricoles. Les fermiers, mercanti di campagna, ne pensent qu’à tirer du sol le plus qu’ils peuvent pendant la durée de leur bail de six à dix ans ; le sol serait à jamais stérilisé ensuite, qu’ils ne s’en inquiéteraient guère. Quant aux propriétaires, qui ne sont au fond que des usufruitiers, ils ne connaissent leurs domaines que par le revenu qu’ils en tirent. Ce revenu augmente en vertu d’une loi économique générale : ils n’en demandent pas davantage, et ils ne songent guère à consacrer à des améliorations un capital qu’ils ne sauraient comment employer. Il faut donc que ce soit le petit propriétaire qui, la bêche à la main, fasse pas à pas la conquête du désert meurtrier. On cite plusieurs exemples de colonisation qui ont réussi. Au XVIIe siècle, la Casa Pia di San-Spirito parvint à fixer quelques cultivateurs sur sa tenuta de Monte-Romano, et peu à peu il se forma un village d’environ 1,000 habitans. On cite encore les concessions emphytéotiques faites aux habitans de Zagarolo. M. Pareto ne croit pas aux bons effets du reboisement, parce que l’air est des plus malsains près des bois de pins d’Ostie et de Castel-Fusano ; mais ne peut-on pas s’attendre à ce qu’un reboisement complet et systématique des parties les plus humides réduirait notablement les émanations paludéennes ? On pourrait y employer une essence nouvelle dont on dit merveille, l’eucalyptus globulus. Cet arbre pousse avec une rapidité