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Traité du crédit foncier, suivi d’un Traité du crédit agricole et du crédit foncier colonial, par M. J.-B. Josseau ; 2e édition.


M. Josseau vient de publier une nouvelle édition de son Traité sur le Crédit foncier : c’est un manuel à l’usage des propriétaires qui auraient besoin de recourir à l’emprunt à long terme ; il est destiné aussi aux jurisconsultes et aux hommes d’affaires, qui y trouveront une explication théorique et pratique de la législation spéciale. Cette édition a été enrichie de beaucoup de documens nouveaux, et, comme elle vient après une expérience déjà assez longue de l’institution qu’elle veut faire connaître, la théorie s’y trouve appuyée sur des faits. En tête du livre, il y a une introduction qui explique les difficultés qu’a rencontrées le Crédit foncier à l’origine, et la manière dont il est parvenu à en triompher. Il a eu à lutter d’abord contre beaucoup de préventions. On contestait le mérite du principe sur lequel il repose, celui de l’emprunt à long terme remboursable par annuités ; on disait que ce système ne réussirait pas en France, qu’on n’aimerait pas à garder sa propriété grevée pendant cinquante ans, — c’est le terme ordinaire des prêts du Crédit foncier, — qu’à cause des incertitudes de l’avenir on ne serait pas sûr de pouvoir toujours payer l’annuité à l’échéance. En outre on se défierait d’un établissement public qui, pour faire ses avances, serait obligé en quelque sorte de se livrer à une enquête sur la situation de ceux qui s’adresseraient à lui. Beaucoup de propriétaires, pensait-on, plutôt que de se soumettre à cette enquête, préféreront subir des conditions plus dures en continuant à emprunter chez leurs notaires. Telles étaient les objections que rencontrait le Crédit foncier à l’origine. Ajoutez à cela qu’il y a toujours dans notre pays une certaine résistance contre les innovations les plus utiles, même lorsqu’elles ont réussi ailleurs. Nous faisons volontiers des révolutions pour bouleverser tout du jour au lendemain, mais nous reculons devant les réformes qui pourraient améliorer sans détruire. Néanmoins, grâce à l’appui du gouvernement et à la persévérance des hommes qui s’étaient mis à la tête de l’œuvre, le Crédit foncier triompha de ces difficultés, et finit par prendre rang au milieu des institutions les plus avantageuses à la nation.

Il fut quelque temps aussi à trouver sa voie. On avait d’abord décidé qu’il prêterait à un intérêt fixe, à 5 pour 100 en dehors de la commission et de l’amortissement. Comme ce taux ne s’accordait pas toujours avec celui du marché, et que la nouvelle institution ne pouvait prêter qu’en empruntant, il en résultait que le mécanisme cessait de fonctionner aussitôt que le prix de l’argent dépassait un certain niveau. Ce règlement fut aboli un peu plus tard ; le Crédit foncier put prêter aux conditions ordinaires du marché et élever l’intérêt selon le prix de l’argent mais toutes les difficultés n’étaient pas encore surmontées. D’abord il était fâcheux que le chiffre de l’annuité restât incertain et variable, cela