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elle n’était point universellement observée dans toute l’Angleterre.

C’est surtout de la part des campagnes qu’on s’attendait à une résistance. Le paysan anglais gagne de 9 à 13 shillings par semaine, et il est souvent chargé d’une nombreuse famille. Ce gain suffit à peine pour lui procurer le nécessaire ; beaucoup se demandent même comment il peut vivre. Il vit du travail de ses enfans. De six à sept ans jusqu’à seize, le jeune garçon parcourt une échelle croissante de salaires ; tout petit, on l’emploie d’abord à chasser les oiseaux des terres nouvellement ensemencées, puis plus tard à soigner les écuries et les étables. Il reçoit ainsi successivement de 18 deniers à 6 ou 7 shillings par semaine. Les fils et même les filles rapportent beaucoup à la famille rustique ; le moyen de lui enlever cette ressource ? Comment convertir les ouvriers des champs à l’idée qu’il est de leur devoir et de leur intérêt d’envoyer leurs enfans à l’école ? Il ne faut d’ailleurs point se dissimuler qu’une des conséquences les plus fatales de l’ignorance est qu’elle dégrade l’homme au point de le rendre insensible aux avantages de l’éducation. Apprécie-t-on ce qu’on ne connaît point ? De quoi sert d’apprendre à l’enfant ce que son père et ses aïeux ont toujours ignoré ; n’en ont-ils pas moins vécu en honnêtes gens ? À ces mauvaises raisons venaient s’ajouter des craintes mal fondées. Beaucoup ne comprenaient point, au juste la portée ni la valeur du mot compulsions ils se figuraient déjà voir le policeman saisir au collet les mioches récalcitrans et les traîner de force à l’école. Était-il rien de plus contraire aux mœurs et aux habitudes anglaises ? Le système obligatoire se pratique pourtant en Prusse, en Suisse et un peu en Hollande, sans qu’il soit besoin de recourir à la force brutale. L’exemple de nations protestantes chez lesquelles florit l’instruction publique contribua beaucoup à vaincre certains préjugés. L’Anglais, qui passe pour exclusif, est au contraire très éclectique : il n’y a guère d’institution au monde qu’il ne tienne à s’approprier, s’il lui est démontré qu’elle soit bonne. Il saura d’ailleurs bien la frapper du cachet de l’esprit national. Malgré tous les obstacles que nous venons de signaler, la plupart des school boards (au moins cent dix-huit) n’ont pas craint de protéger le droit de l’enfant à l’éducation contre l’ignorance et la mauvaise volonté des parens. La loi les autorise à forcer les jeunes garçons et les jeunes filles, entre l’âge de cinq et treize ans, de suivre les cours de l’école : elle n’admet d’excuse que dans le cas de maladie, quand l’enfant reçoit chez lui une instruction convenable, ou si l’école primaire située dans le voisinage est à plus de 3 milles anglais. Les conseils nomment des officiers spéciaux qui sont chargés de recruter les élèves réfractaires. On n’en vient jamais à la contrainte légale qu’après avoir