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auxquelles il avait le plus prodigué les flatteries, parce qu’elles étaient le nombre, parce qu’il se croyait intéressé à s’appuyer sur celles. M. Metttetal laisse échapper une parole profonde ; « le gouvernement se sentait fort, dit-il, et il l’était à certains égards, mais pas contre la classe populaire. Au fond, il lui était à peu près impossible de se défendre contre certaines pressions… La vérité est que déjà le gouvernement et la société n’étaient plus guère maîtres de la multitude… »

Et maintenant élevez-vous au-dessus de ces faits pour les embrasser d’un regard et en saisir le sens : vous aurez sous les yeux un spectacle d’une moralité aussi singulière que terrible. L’empire, à un moment de sa carrière, commet des erreurs désastreuses de politique extérieure. Il le sent, et, comme pour fuir la responsabilité qui le poursuit, il se jette tout à coup dans les diversions intérieures. Qu’arrive-t-il ? Aussi imprévoyant dans ses combinaisons de politique intérieure que dans sa diplomatie, il tombe dans une erreur d’un autre genre. Par crainte de ce qu’il appelle les anciens partis, par une défiance jalouse du libéralisme modéré, ou, si l’on veut, par entraînement, il caresse, il remue les instincts de démocratie, dont il compte se faire des alliés intéressés et soumis. Il veut être l’empire démocratique, presque socialiste ! Il ne réussit qu’à susciter un mouvement qu’il n’a pas prévu, qui ne tarde pas à le déborder de toutes parts. Un jour vient, au commencement de 1870, où il marche au milieu des menaces d’éruptions incendiaires. Les fautes engendrent les fautes. Pour échapper aux conséquences de ses déceptions dans les affaires de l’Europe, il a cru pouvoir se retremper dans une politique prétendue populaire ; maintenant, pour échapper aux dangers de révolution qui l’entourent, qu’un plébiscite fastueux n’a pas supprimés, il se sent ramené, peut-être par une logique impitoyable et sans le vouloir, à la tentation des aventures extérieures, il cède à l’entraînement de l’occasion, il risque un grand coup pour se raffermir. C’est la guerre pour éviter la révolution. Alors tout lui manque, la victoire dans le combat, la confiance, la sympathie, l’estime de l’opinion dans le malheur. Il succombe sous le poids des fautes de toute nature entre lesquelles il se débat depuis quelques années, il disparaît en un instant comme emporté par la tempête qu’il a soulevée. Qui donc est responsable du tragique dénoûment ?

Si l’empire eût été victorieux, tout aurait été changé, rien n’est plus évident. La défaite, telle qu’elle se présentait, avec toutes les complications d’un désastre humiliant pour la fierté nationale, de la décomposition et de la reddition des armées, de la captivité du chef du gouvernement lui-même, cette défaite ne laissait point