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construction, comme en Suède, en Danemark et même en Allemagne, ou bien encore lorsque la forme du gouvernement voulait que tous ses intérêts fussent soumis à la direction du pouvoir central, comme en Russie, c’est l’état qui s’est chargé de commencer le réseau et de l’exploiter. On retrouve ainsi dans les systèmes qui ont été appliqués aux chemins de fer la marque de la constitution politique, désorganisation financière et de la puissance industrielle de chaque pays. Cette observation coupe court aux discussions théoriques auxquelles on se livre encore quelquefois sur le mérite absolu de tel ou tel régime. Dans l’ordre des intérêts matériels, le meilleur système est celui qui atteint le but, et les modèles que l’on cherche au dehors ne peuvent être utilement invoqués et imités que si l’on doit procéder dans des conditions analogues, au point de vue politique, industriel et financier. Du reste, la tendance universelle est aujourd’hui de confier à l’industrie privée le soin de construire et d’exploiter les chemins de fer. Dans tous les pays, même en Russie, les lignes nouvelles sont concédées à des compagnies. Partout les gouvernemens se rallient à la théorie anglaise qui proclame la séparation de l’industrie et de l’état, limite l’action du pouvoir central et ouvre ! e champ libre à l’initiative des particuliers. Les enseignemens de la science économique ont certainement exercé leur influence sur cette transformation des mœurs administratives en démontrant que l’état, chargé seulement d’une mission de contrôle, doit s’abstenir de toute participation directe à l’industrie des transports comme aux autres branches d’industrie ou de commerce. Le régime français, dont nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’exposer les combinaisons assez complexes, se rapproche de la liberté. S’il intéresse le gouvernement aux destinées financières des compagnies, et si, pour hâter la construction du réseau, il a dû conserver sur plusieurs points très importans l’intervention de la loi et des règlemens, il laisse en définitive à l’industrie privée la construction ainsi que l’exploitation des chemins de fer. Le droit de propriété qu’il réserve à l’état doit être plutôt considéré comme l’application du principe général quant à l’inaliénabilité du domaine public que comme le prix des avantages accordés par les décrets de concession.

Les relevés statistiques font ressortir en chiffres les services rendus par les chemins de fer pour les transports des voyageurs et des marchandises. En 1855, le total des voyageurs transportés était de 33 millions ; il a dépassé 111 millions en 1869. Le parcours moyen d’un voyageur, qui était de 44 kilomètres, est descendu à 37, à cause du développement qu’ont pris autour des grandes villes les voyages de banlieue. Ainsi la compagnie de l’Ouest, qui dessert la partie la plus fréquentée des environs de Paris, a transporté en