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s’employait dans la nuit du 3 au 4 à calmer la foule qui commençait à prononcer le nom de la république, en lui répétant qu’il ne fallait pas que la république héritât des malheurs qui venaient de fondre sur la patrie, et il évitait même le nom du gouvernement pour lequel il laissait entrevoir ses préférences.

le n’ai pas oublié pour ma part une parole d’un des chefs de ce nouveau gouvernement, fatalement voué par son origine, par les circonstances, à faire peut-être peu de bien et à laisser faire beaucoup de mal. Comme je lui disais qu’il lui avait fallu du courage pour se jeter dans une telle aventure, il me répondait : « Nous ne l’avons pas voulu, les événemens ont été plus forts que nos volontés. Maintenant tout est fini. Si la république réussit à sauver le pays, elle est fondée ; si elle ne réussit pas, qu’il lui soit donné au moins de mourir avec honneur pour se recommander à l’avenir ! » La république n’a pas sauvé le pays, et elle n’est pas morte. Est-il bien certain qu’elle ne reste pas chargée devant l’avenir et devant la France du fardeau de cette paix désastreuse qu’elle s’est exposée à contre-signer de son nom en expiation d’une guerre dont elle n’était pas responsable ? Oui, assurément, le 4 septembre a été une complication, une aggravation de plus dans un état déjà si grave, comme il a été d’abord et surtout un malheur pour Paris, qu’il plaçait du premier coup entre l’ennemi, s’avançant à grandes marches, et la révolution grondant désormais dans ses murs, tournoyant autour d’un gouvernement né d’une émotion populaire, peu expérimenté par lui-même, bientôt réduit à n’être plus que le premier des prisonniers dans une place de guerre assiégée. Et cependant quel moyen y avait-il de faire autrement ?

Ce gouvernement de la défense nationale improvisé par une révolution et bientôt enfermé dans Paris, il a été naturellement ce qu’il pouvait être avec les fatalités d’une origine irrégulière et violente, au milieu des passions de toute sorte dont il était l’otage, dans des conditions morales, politiques, militaires, qu’on n’avait jamais vues, qui ne se reproduiront peut-être jamais. Au moment où surgit des ruines de l’empire ce gouvernement nouveau, un peu étrange, il faut le dire, dans sa composition, désigné par le hasard, et s’offrant, avec une naïveté qui n’a d’égale que son inexpérience, à relever une cause si désastreusement compromise, la situation se dessine en traits sinistres.

De forces régulières, il n’y en a plus. L’armée de Sedan est traînée captive sur les routes de l’Allemagne. L’armée de Metz, plus ou moins bien conduite, mais toujours vaillante, s’est usée à rompre les lignes qui la serrent ; elle a livré trois grandes et meurtrières batailles, plusieurs combats, elle n’a pas réussi à se rapprocher du cœur de la France. Ce qu’elle n’a pu faire jusque-là, le fera-t-elle