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moins dans le budget des recettes un déficit de près de 460 millions. L’année 1848 n’était point encore écoulée, que l’assemblée nationale rétablissait la taxe, en la diminuant toutefois des deux tiers, c’est-à-dire en la fixant à 10 francs par 100 kilogrammes au lieu de 30 francs, comme sous la restauration et le règne de Louis-Philippe. Ce tarif fut maintenu sous le second empire, et par sa modération même il semblait ne devoir provoquer aucune plainte; toutefois au milieu de nos vicissitudes politiques, et par suite de causes très diverses, une question nouvelle, celle de la décadence des salines de l’ouest, avait surgi à côté de la question purement fiscale.

La région de l’ouest occupait, on le sait, il y a trente ans à peine, une situation prépondérante dans l’industrie des sels : elle approvisionnait les trois quarts du territoire de la France; mais elle a vu depuis sa prospérité décroître rapidement. L’est et le midi l’ont refoulée par une marche continue, et aujourd’hui la zone de consommation de ses produits se trouve réduite à vingt départemens. La valeur de ses marais salans a diminué de moitié, et la crise a frappé 45,000 individus, répartis entre 7,000 familles de paludiers et 5,000 familles de propriétaires. Des pétitions nombreuses et pressantes furent adressées au sénat afin de provoquer des mesures réparatrices en faveur des intéressés. Ces pétitions donnèrent lieu à plusieurs rapports très remarquables de M. Dumas; une enquête fut ordonnée par décision impériale en date du 15 mars 1866, et des commissions, composées des hommes les plus compétens, se rendirent simultanément sur les divers points du territoire. L’ouest, le midi et l’est furent mis en présence; producteurs de toutes les régions, raffineurs, commerçans, industriels employant le sel, ouvriers travaillant de leurs mains, en un mot tous les intéressés, à quelque titre que ce soit, ont apporté leurs renseignemens, leurs explications, leurs prétentions. Les résultats de cette vaste et consciencieuse enquête ont été consignés dans trois volumes in-folio publiés en 1868 et 1869 par le ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, et l’on trouverait difficilement dans les annales administratives un travail plus approfondi, et qui mette plus sûrement sur la voie des améliorations et des réformes de nature à concilier les intérêts, trop souvent contradictoires, des diverses zones territoriales où s’exerce l’industrie du sel.

Nous ne suivrons point ici dans leurs détails multiples et complexes les procès-verbaux et les rapports des commissions; il suffit de les signaler en exprimant le vœu qu’une prompte satisfaction soit donnée aux plaintes souvent trop légitimes qui s’y trouvent consignées, car les événemens dont notre malheureux pays a été le théâtre dans ces trois dernières années n’ont point permis de mener