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partager cette opinion, mais il n’acceptait jamais une théorie agronomique sans la vérifier par l’expérience, et les essais qu’il a tentés ne lui ont donné que des résultats négatifs. Dès 1839, il les signalait à ses élèves, et il constatait que la suppression des droits d’entrée en Angleterre en vue du progrès agricole n’avait rien produit d’avantageux. « La demande du sel, dit-il, s’est accrue durant la première année, mais elle se réduisit bientôt, à peu de chose près, aux mêmes limites qu’elle avait avant l’établissement de la franchise. » Dans un rapport adressé au sénat le 31 mai 1864, M. Dumas a émis la même opinion que Mathieu de Dombasle au sujet de l’emploi du sel dans les exploitations agricoles, et les faits qui se sont passés en France depuis 1846, époque de la réduction de la taxe, laissent peser une grande incertitude sur l’efficacité pratique de cette nouvelle méthode de fumure du sol et d’alimentation du bétail. La consommation a été en effet très irrégulière, et elle présente des intermittences qui semblent indiquer que de nombreuses déceptions se sont produites. De 1846 à 1851, elle passe du chiffre de 250 à 2,000 tonnes, pour retomber dans les années suivantes à 800, 300 et même 150 tonnes, et se relever ensuite à 2,030 en 1866, à 2,150 l’année suivante. Ce fait est d’autant plus remarquable que le sel est de beaucoup le moins cher de tous les engrais commerciaux, et qu’il est en même temps très peu coûteux comme élément nutritif; le tableau ci-joint le prouve surabondamment :

Prix comparé des engrais du commerce par 100 kilos.


Sel de morue pour engrais 2 fr. 50 cent.
Sels dénaturés pour engrais et bestiaux 4 fr. 50 cent.
Poudrette 10 fr. » cent.
Tourteaux de colza triturés 18 fr. 50 cent.
Guano 38 fr. » cent.
Nitrate de sonde 48 fr. » cent.
Sulfate d’ammoniaque 65 fr. » cent.
Nitrate de potasse 85 fr. » cent.

Des renseignemens recueillis pendant l’enquête et des expériences le plus récemment faites, il résulte que, si le sel ne paraît point jusqu’à présent avoir réussi comme engrais, il n’en est pas tout à fait de même pour l’alimentation des bestiaux; mais il n’en est pas moins important que les essais puissent être reproduits en grande culture dans des conditions très diverses de sol, de produits agricoles, de saison et d’assolement. à est donc indispensable que le dégrèvement soit ici maintenu; mais aujourd’hui le cultivateur ne peut jouir de cet avantage qu’à la condition de rendre par divers mélanges, tels que son, tourteaux de graines oléagineuses, etc., les sels qu’il emploie impropres à tout autre usage que