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la nutrition du bétail. Ces mélanges, connus sous le nom de dénaturation, se font sous la surveillance des agens du fisc; ils entraînent une suite d’opérations très minutieuses et très gênantes. Quelques praticiens préfèrent même, pour s’y soustraire, perdre le bénéfice du dégrèvement et employer du sel pur, qu’ils paient le double. C’est là ce qui retarde et souvent ce qui empêche les essais et les applications, et il est urgent que ce système soit modifié, si, comme on a tout lieu de l’espérer, il est démontré que la consommation agricole, en devenant plus active et en se généralisant, puisse améliorer l’élevage et l’engraissement du bétail, ce qui rendrait un immense service en raison du prix toujours croissant de la viande de boucherie.

Les franchises accordées à la pêche donnent également lieu à une réglementation très compliquée et en certains points préjudiciable au trésor. On accorde en effet pour la salaison de 900 harengs 30 kilogrammes de sel en franchise, ce qui est une proportion trop forte, au dire des hommes les plus compétens, et pour 12,240 harengs saurs on accorde 200 kilogrammes, ce qui est encore beaucoup trop; mais ce n’est point là le seul inconvénient. Comme la plupart des règlemens fiscaux, ceux qui régissent la salaison nécessitent par l’extrême minutie des détails une surveillance des plus actives; ils imposent à l’administration des douanes un service très pénible, et ils exigent un personnel plus nombreux. Ici encore, tout en maintenant les franchises, il y a à réformer, à simplifier, et par cela même à économiser des frais de régie.

Quant aux sels étrangers importés en France, l’opinion était unanime en 1866 pour demander que les droits, très minimes d’ailleurs, dont ils étaient frappés fussent strictement maintenus : aujourd’hui elle est unanime à demander qu’ils soient surtaxés, et elle le demande avec raison, car l’introduction de ces sels n’est d’aucun intérêt pour l’alimentation ou l’industrie, la production française dépassant de 20 pour 100 la consommation, ce qui laisse tous les ans 125,000 tonnes invendues, quantité équivalente, à peu de chose près, aux quantités importées.

Nous n’ajouterons pas d’autres détails à ceux qu’on vient de lire, car le but de cette étude n’est pas de résoudre les difficiles problèmes que soulèvent toujours les questions de tarifs. Il nous suffit d’avoir montré que l’impopularité de l’impôt du sel tient au souvenir des gabelles; que les dégrèvemens dont la consommation alimentaire a été l’objet ont été avant tout inspirés par l’esprit de parti et cette recherche de vaine popularité qui égare les hommes les mieux intentionnés eux-mêmes; que de toutes les contributions acquittées en France celle-là est la plus légère, la plus certaine, et qu’elle peut, par une surtaxe qui ne compromet aucun intérêt,