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REVUE. — CHRONIQUE.

confiance. On se donnait tout l’air d’avoir sauté sur un prétexte de guerre, selon l’expression de l’ambassadeur d’Autriche, M. de Metternich, lorsque dans le fond on avait bien des doutes, lorsqu’on ne demandait pas mieux que de s’arrêter, si on l’avait pu, à la renonciation du prince de Hohenzollern. M. Émile Ollivier disait à M. Thiers de l’accent d’un homme qui se sentait fort soulagé : « Nous tenons maintenant la paix, nous ne la laisserons pas échapper. » L’empereur lui-même, dans ses fluctuations, inclinait plus volontiers vers la paix que vers la guerre, et au moment le plus décisif il s’exprimait d’une façon singulière, peut-être assez peu connue. Le jour où l’on venait d’apprendre le désistement du prince de Hohenzollern, au sortir du conseil où il avait été décidé qu’on s’en tiendrait à cette satisfaction, l’empereur revenait à Saint-Cloud avec un aide-de-camp. Il paraissait satisfait et restait silencieux, lorsque vers le haut des Champs-Élysées, se tournant lentement vers celui qui l’accompagnait, il lui disait comme s’il eût suivi sa pensée : « Une île vient de surgir dans la Méditerranée. La France dit : Cette île est à moi. La Prusse dit : Non, elle est à moi. Il faut se battre, c’est la guerre. Voilà que tout à coup l’île disparaît, l’objet du litige n’existe plus. Pourquoi se battre alors ? C’est notre histoire. La candidature Hohenzollern a disparu. C’est la paix, et il vaut mieux qu’il en soit ainsi ! » Oui, il se peut qu’à un certain moment on ait désiré la paix. Comment donc la guerre sortait-elle fatalement de ces complications ? Parce que dès la première heure on avait engagé l’affaire avec la plus étrange légèreté, parce qu’on s’était mis à la merci des incidens et des mobilités d’une opinion imprudemment surexcitée, parce qu’au fond on voulait la paix comme on voulait la guerre, sans conviction, sans avoir la force d’une résolution fixe, parce qu’enfin on était toujours sous le poids de toutes ces fautes et de ces imprévoyances qui depuis quatre ans avaient créé une situation si tendue entre la France et la Prusse, qui ne laissaient plus une faute à commettre, selon le mot de M. Thiers.

Cette légèreté qu’il y a eu en tout, elle a été et elle est encore, nous le craignons fort, dans l’idée que M. le duc de Gramont s’est faite des engagemens du cabinet de Vienne. Que l’Autriche ait pu considérer la cause de la France comme sa propre cause, c’est assez naturel. L’Angleterre elle-même aurait pu en dire autant, si elle eût réfléchi sur ses intérêts ; elle s’en est bien aperçue trois mois plus tard, lorsque s’est élevée la question de la Mer-Noire. Que l’Autriche, allant plus loin que l’Angleterre, ait eu l’intention d’intervenir à un moment favorable, dans les limites du possible, comme elle le disait, on peut très bien l’admettre et si cette intervention se fût réalisée, c’eût été sans doute pour nous un sérieux soulagement ; mais, à parler avec franchise, dans tout cela nous cherchons encore ce qui peut ressembler à une alliance formelle, arrêtée, convenue. Si c’est tout ce que l’ancien ministre des affaires