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META HOLDENIS

DEUXIÈME PARTIE[1].

III.

Si jamais vous passez à Crémieu, je vous conseille de vous y arrêter. Figurez-vous une vieille petite ville commandée d’un côté par une terrasse naturelle, aux murailles à pic, et par les restes d’un ancien couvent fortifié, de l’autre par un rocher qu’escaladent des vignes basses et que couronnent les ruines d’un château habillé de lierre de la tête aux pieds. Cette petite ville, dont les hôtels sont recommandables, occupe le centre d’un cirque de montagnes, lequel s’ouvre au couchant et donne vue sur la grande vallée onduleuse où le Rhône cherche son chemin pour aller à Lyon. Crémieu est un endroit charmant pour tout le monde, mais surtout pour les artistes. Ils peuvent s’y croire en Italie, tant les lignes du paysage affectent une majesté classique, tant les terrains sont chauds de couleur, tant la roche est blonde ou dorée, et semble s’écrier avec la Sulamite : « Vous voyez que le soleil m’a mordue ! » Là, dans un étroit espace, se trouvent rassemblés les motifs les plus divers, les courts et les vastes horizons, les monts et la plaine, en haut des chênaies dans lesquelles serpentent des sentiers parmi les ronces et le buis, en bas la fraîcheur des noyers, la gaîté des treilles, les grandes routes et leurs longs rideaux de peupliers, — tantôt des gorges encaissées où un clair ruisseau promène son murmure, ailleurs sous un ciel immense des marécages, plantés d’aulnes,

  1. Voyez la Revue du lerjanvier.