Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vés que les 9 1/2 pour 100, déjà excessifs, qu’on offre au nantissement. On le voit bien aux deux grandes échéances de l’année commerciale, qui sont janvier et juillet : le compte de ces deux mois-là est toujours plus chargé que celui des autres. Une autre cause détermine aussi pendant le mois de décembre une activité extraordinaire dans les bureaux du mont-de-piété, c’est l’autorisation donnée à un grand nombre de fabricans de s’établir sur les boulevards pendant la période des étrennes. Dès la fin de novembre, les emprunteurs affluent, ils apportent tout objet représentant une valeur quelconque et qui n’est pas pour eux de nécessité rigoureuse; avec l’argent qu’ils en retirent, ils achètent les matières premières, confectionnent ces mille articles connus sous le nom générique de bimbelots, et les débitent avec avantage dans les baraques qu’ils sont autorisés à occuper sur la voie publique. Aussitôt que la vente est terminée, dans la première quinzaine de janvier, les dégagemens sont opérés avec une régularité remarquable.

Les fabricans en chambre, les modestes boutiquiers, les patrons qui n’occupent que deux ou trois ouvriers, courent au mont-de-piété lorsqu’arrive l’échéance d’un billet à ordre souscrit par eux, lorsqu’il faut renouveler la patente, lorsque l’époque du terme approche, enfin lorsqu’ils ont intérêt à faire des achats au comptant. Qu’engagent-ils? Leur montre, leurs couverts, leurs médiocres bijoux? Rarement. Ils engagent plus volontiers le produit de leur travail, et c’est là ce qui explique la quantité relativement considérable de marchandises neuves, — un sixième environ, — que renferment les magasins du mont-de-piété. Plusieurs d’entre eux engagent des objets qui leur ont été remis par un client, afin de pouvoir achever un travail commandé par un autre. Je prendrai un exemple. Une couturière reçoit un coupon d’étoffe pour faire une robe; elle est sur le point de terminer un autre costume dont elle doit fournir la garniture, elle n’a pas d’argent; elle engage le coupon intact au mont-de-piété. Avec le prêt, elle achète les boutons, les franges, qui lui manquent, elle livre le costume et touche le prix, qui lui sert immédiatement à dégager l’étoffe qu’on lui a confiée. — Et si on ne la paie pas? — Elle en est quitte pour déposer sa montre jusqu’au moment où sa facture lui sera soldée. Des faits analogues se produisent constamment, ne nuisent à qui que ce soit, sont avantageux pour le mont-de-piété et permettent à des personnes momentanément gênées de continuer à vivre de leur travail. Cette mission très importante du mont-de-piété, il ne l’a pas cherchée; la force même des choses la loi a imposée; c’est tout le petit commerce qui vient naturellement vers lui, attiré par la confiance qu’il inspire, par la rectitude absolue de ses opérations et surtout par les avantages qu’il offre aux emprunteurs de cette catégorie, qui sans lui paie-