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même la garantie commune de l’empire et de ses alliés; ils ne comprendront jamais la garantie séparée et l’occupation militaire, car en pareil cas le protectorat serait une espèce d’annexion. Une nouvelle note, portant la date du 27 avril, était plus vive encore. « Le traité séparé, disait-elle, est une infraction au traité d’alliance, l’occupation du Paraguay par les Brésiliens est la violation des protocoles de Buenos-Ayres, et de plus une cause permanente de mauvais vouloir qui, un jour ou l’autre, produira la guerre... On a droit de s’étonner de la compassion du gouvernement impérial pour le Paraguay après sa persistance à refuser notre proposition de renoncer à toute réclamation contre le Paraguay pour indemnité de guerre.»

Il était à craindre que la polémique n’envenimât la question. Déjà des bruits de guerre circulaient et jetaient l’alarme dans tout le bassin de la Plata. On ne parlait de rien moins à Buenos-Ayres que de lever en un mois 20,000 hommes, en trois mois 40,000; mais où trouver des officiers, des armes, des bâtimens de guerre? Au Brésil, les armemens s’opéraient sur une assez grande échelle. De part et d’autre, ce mouvement belliqueux était factice. La conscience publique, le bon sens, l’intérêt des peuples, réclamaient énergiquement la paix. A peine remis des grandes secousses d’une guerre récente et de ruineuses victoires, le Brésil et les états de la Plata ont besoin de calme et de repos ; il faut féliciter hautement le Brésil et la confédération argentine d’avoir compris cette vérité. L’émotion produite par les échanges de notes des deux ministres s’est subitement apaisée devant de sages réflexions. On a cherché des deux côtés à ôter au débat tout caractère irritant, et l’on y est parvenu. La confédération argentine a envoyé en mission spéciale à Rio un personnage sympathique à la cour du Brésil, M. le général Mitre, ancien président de la république de la Plata et ancien généralissime des armées alliées contre Lopez. Ce choix intelligent était déjà un symptôme de conciliation. Arrivé à Rio le 6 juillet 1872, le général Mitre a reçu l’accueil le plus courtois, et la situation s’est immédiatement améliorée. Un nouvel échange de notes a effacé la trace des dernières discussions. On s’en remet à la bonne volonté et à la prudence des plénipotentiaires pour régler à l’amiable les questions qui se rattachent aux obligations et aux droits du traité d’alliance du 1er mai 1865. Les deux gouvernemens considèrent donc comme dissipé le malentendu qui aurait pu faire douter du maintien de leurs bonnes relations. La dignité est sauvegardée de part et d’autre, et tous les amis du Brésil et des républiques de la Plata doivent se féliciter d’un apaisement qui sert la cause de la civilisation américaine. Il suffit d’ailleurs de jeter un rapide coup d’œil sur la situation générale de ces intéressans pays,