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côtes du sud de l’Atlantique au Pacifique, cette ligne franchit les Cordillères, et traverse dans toute sa largeur le continent de l’Amérique méridionale depuis Buenos-Ayres jusqu’à Valparaiso. Du cabinet du président Sarmiento, l’on a causé par le télégraphe avec Valparaiso et Santiago du Chili en présence du corps diplomatique et des notabilités argentines.

L’exposition de Cordova, qui eut lieu en octobre 1871, permit d’apprécier l’ensemble des richesses nationales. Un palais en bois, situé au milieu d’un parc à la française, sur les dernières sinuosités des Cordillères, une charpente légère et hardie, soutenue par cinquante-six colonnes indiquant les différentes sections et couvrant une superficie de 3,029 mètres, les produits les plus variés, tissus précieux de Guanacos et de Tucuman, dentelles de Cordova et de San-Luis, cuirs de toutes les espèces, tapis de Catamarca, minerais de cuivre, d’or, de plomb argentifère, armes primitives en pierre et en silex, arcs et flèches en os de poisson des Indiens, instrumens de pêche des Guaranis, armes des conquérans espagnols, tel était le spectacle qu’offrait cette exposition, où le passé figurait à côté du présent, et qui était comme l’histoire des progrès de la civilisation de l’Amérique méridionale.

Une chose plus remarquable encore dans la confédération argentine, c’est le développement de l’instruction publique. La proportion des enfans qui suivent les cours de l’école primaire est de 1 sur 19 habitans. Dans un budget de 14 millions 1/2 de piastres fortes, le gouvernement en a fait figurer près de 500,000 pour l’instruction. Des enfans viennent à cheval à l’école de plusieurs lieues de distance, laissent leur monture dans le champ voisin, et la reprennent le soir pour rentrer au logis. Le président Sarmiento a dit en ouvrant l’exposition de Cordova : « Lorsque j’entends, — et il y a quarante ans que je ne cesse de l’entendre, — le cri sinistre de mort aux sauvages unitaires, ou le galop des chevaux sur la pampa, ou les lamentations des gens ruinés et des victimes, il me semble qu’un cri plus noble, plus juste, résonne à mon oreille: donnez-nous de l’éducation, et nous ne serons plus le fléau de la civilisation; donnez-nous un foyer domestique, et nous n’irons plus errer sur la pampa inculte; donnez-nous une industrie, et vous nous verrez à côté de vous créant la richesse, au lieu de la détruire. » Ce discours est tout un programme; il faut le réaliser. Il s’agit, comme l’a dit encore M. Sarmiento, « de convertir en richesses les dons naturels du sol, de mettre à profit ces forces mortes qui dorment jusqu’à ce que la voix de l’industrie leur dise comme à Lazare : Levez-vous. » La confédération argentine, dont le recensement de 1870 fixe la population à près de 1,900,000 âmes, qui, comprenant une superficie égale à environ quatre fois celle de la France,