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peut fournir, depuis les frontières de la Patagonie jusqu’à celles du Brésil, et des bords de la mer au sommet des Andes, les produits des zones tropicales aussi bien que ceux des régions les plus tempérées, la confédération argentine, qui a pour véhicules des échanges entre ses quatorze provinces et les états voisins les grands cours d’eau aboutissant au Rio de la Plata, est destinée à un brillant avenir; mais pour cela il est indispensable de renoncer aux erreurs du passé, aux vieilles querelles entre fédéralistes et unitaires, aux jalousies entre Buenos-Ayres et Montevideo, ces deux villes situées presque en face l’une de l’autre, dans des conditions également heureuses pour prospérer sans se nuire, sans chercher à s’absorber mutuellement. il faut éviter soit avec le Brésil, soit avec les républiques voisines, les discussions stériles ou irritantes.

La fin de la guerre du Paraguay n’a pas mis un terme aux agitations et aux épreuves de la république orientale. Ce pays, où il y aurait place pour plusieurs millions d’habitans, ne contient pas cent cinquante mille âmes, et cependant il y a peu de populations aussi vives, aussi intelligentes que celle de cette république, et son commerce devrait prendre des proportions colossales. Toutefois les contrées les plus favorisées par la nature sont souvent les plus maltraitées par les hommes. Occupée par les troupes brésiliennes de 1816 à 1821, objet des revendications de la république argentine, — qui réclamait Montevideo comme ayant jadis appartenu à l’ancienne vice-royauté espagnole de Buenos-Ayres, — déchirée par les troubles intérieurs, menacée par les compétitions du dehors, condamnée à une lutte sans merci contre l’allié du dictateur argentin Rosas, le général Oribe, qui de 1842 à 1852 tint la ville de Montevideo assiégée, livrée depuis cette époque aux querelles opiniâtres et souvent sanglantes de deux factions rivales, les blancos et les colorados, devenue en 1864, par l’accord du général Florès avec le Brésil, la cause première de la guerre du Paraguay, rejetée de nouveau, depuis la fin de cette guerre, dans les divisions intérieures et dans les luttes armées des partis, la république orientale a été depuis le commencement du siècle le théâtre d’agitations et de révolutions qui ne peuvent être comparées qu’à celles des républiques de l’Italie du moyen âge.

La guerre contre Lopez était à peine finie que les blancos et les colorados de l’Uruguay recommençaient leurs interminables querelles. Les deux factions, qui, comme les anciens dans de l’Ecosse, se font la guerre plus par habitude que par conviction, reprenaient en 1870 leurs luttes à main armée. Deux chefs blancos, Aparicia et Medina, levaient l’étendard de la révolte contre le président de la république orientale, le général Battle. Montevideo était en état de siège à la fin d’août ; on y suspendait la liberté de