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coûteuse. M. Cliffe Leslie en conclut que, si elle n’existait pas, le vin, le tabac, le thé, pourraient coûter moins cher en Angleterre; c’est une grande erreur. Plus une marchandise arrive en quantité sur un même point et moins elle est chère. Cela est tout naturel. Elle vient d’abord par chargemens complets, les frais de transport sont moindres que si elle n’occupait qu’une partie d’un navire ou d’un wagon de chemin de fer; elle paie aussi moins proportionnellement pour les frais de commission et d’assurance. Enfin le négociant qui est chargé de la vendre, opérant sur de grandes masses, se contente d’un bénéfice moindre que si son commerce est plus restreint. Pendant longtemps, Liverpool a été l’endroit où nos filateurs, ceux même de l’Alsace, allaient chercher le coton dont ils avaient besoin, bien que Le Havre eût pu le leur fournir; mais avant la liberté commerciale Le Havre était peu approvisionné en cette denrée, on l’y payait plus cher qu’ailleurs, et nos fabricans avaient encore intérêt à la faire venir d’Angleterre en acquittant les frais d’assurance et de transport. Par conséquent on se trompe singulièrement en croyant que, si le vin entrait librement chez nos voisins par tous les ports, il se vendrait moins cher. L’hypothèse n’est pas même admissible, car n’y aurait-il aucune restriction légale, la marchandise viendrait encore tout naturellement dans les lieux où elle trouverait les plus grands débouchés, et ce sont ceux qu’a dû choisir la douane pour sa vérification. à en est de même, et pour des raisons semblables, de la faculté d’entrepôt qui est accordée à certains ports et refusée à d’autres. Si elle existait partout et que l’on en usât, les droits seraient infiniment plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui; la marchandise étant grevée de plus de frais généraux, la liberté n’offrirait aucun avantage.

On reprend l’argument sous une autre forme : les impôts indirects, dit-on, tendent à constituer des monopoles. Comme on a de grosses sommes à payer au fisc avant toute livraison de marchandise, il n’y a que les grands établissemens qui soient en état de faire ces avances ; le petit commerce ne le peut pas, et par cela même il se trouve éliminé de la concurrence. Cet argument n’est pas plus fondé que les autres. Ce n’est pas le paiement des droits à la douane ou ailleurs qui élimine le petit commerce, c’est la force des choses. La tendance aujourd’hui est au bon marché. Il faut produire à bas prix et vendre de même, afin d’augmenter le nombre des consommateurs. Pour cela, il n’y a qu’un moyen, c’est d’étendre ses opérations pour diminuer ses frais généraux, c’est de les renouveler très souvent en se contentant d’un bénéfice moindre sur chacune. Aussi voit-on se créer partout des magasins considérables qui vendent toute espèce de choses. Cette tendance est en-