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unes, on leur a fait subir une augmentation d’autant plus forte qu’elles étaient seules atteintes. C’est ainsi qu’on a élevé la taxe des lettres d’un cinquième pour toute la France, de 20 à 25 centimes, d’un tiers pour Paris, de 10 à 15 centimes, — que celle du sucre a été portée de 30 fr., où elle était il y a quelques années, à 57 fr., — que les droits sur le café, le cacao, le thé, ont été plus que doublés, les permis de chasse établis à 40 francs au lieu de 25[1], et que les alcools ont dû payer 150 fr. l’hectolitre au lieu de 75, — et on ne demandait rien de plus au sel, ni à la propriété foncière, et on ménageait d’autres taxes qui auraient pu être élevées davantage. Qu’est-il arrivé, ou plutôt qu’y a-t-il à craindre? car l’expérience de 1872, avec les diminutions qui ont déjà été constatées, peut ne pas passer encore pour concluante; il est à craindre que les impôts ne rendent pas ce qu’on espère, que la consommation s’arrête, ou bien qu’il y ait une fraude considérable.


IV.

Lorsque les Anglais ont commencé leur réforme commerciale et financière en 1846, ils ont eu recours à un expédient qui leur a parfaitement réussi, ils ont adopté l’income-tax, c’est-à-dire un impôt sur le revenu; cet impôt, dont le chiffre a varié suivant les besoins, a donné depuis 150 jusqu’à 350 millions par an. Grâce à ce moyen, la réforme s’est accomplie tranquillement, le budget a toujours été en équilibre, et nos voisins ont eu même des excédans de recettes, qu’ils ont pu consacrer à de nouvelles réductions de taxes. Nous aurions dû nous inspirer de cet exemple, et, sans demander à l’impôt du revenu les 600 ou 700 millions dont nous avions besoin, nous aurions pu nous en servir tout au moins pour atténuer les surcharges à mettre sur les impôts indirects. Nous savons tout ce qu’on a dit contre l’introduction de cette taxe en France. On l’a représentée comme difficile à établir à cause de la fraude qui en résulterait, et comme un acheminement vers l’impôt progressif. Ces objections né sont pas concluantes. Il ne faut pas oublier qu’elle existe dans beaucoup de pays, en Europe et en Amérique, et que partout elle est d’une application assez facile. Pourquoi en serait-il autrement chez nous? Est-ce que notre nation est moins loyale qu’une autre, plus disposée à tromper le fisc? C’est le contraire qui est vrai. On n’a qu’à voir ce qui se passe au lendemain des révolutions, lorsqu’il n’y a pour ainsi dire plus de gouvernement pour se faire

  1. On vient de les remettre à 25 francs.