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paiera deux fois pour la même chose, d’abord en touchant le revenu de ses actions ou obligations, qui se trouvera diminué pour elle comme pour tout le monde de la part de l’impôt, ensuite en faisant entrer ce revenu dans ses profits, qui seront également frappés de 3 pour 100, et si l’on voulait suivre la filière des ricochets auxquels cet impôt peut donner lieu dans les portefeuilles des diverses entreprises, on trouverait que certaines valeurs mobilières seront peut-être taxées à raison de 9 à 10 pour 100 au lieu de 3, ce qui est évidemment excessif. On pourrait faire des observations analogues contre l’impôt sur les créances hypothécaires[1], contre la surtaxe ajoutée à la contribution des patentes, qui est maintenue, et en présenter de plus graves encore contre les droits sur les matières premières. Ce sont des impôts mal étudiés et qui ne soutiennent pas un examen sérieux; ils sont arbitraires, injustes, et ont en outre le grand inconvénient de produire très peu. On a pris la question par le petit côté; il fallait la prendre par le grand et établir une taxe générale sur le revenu; de cette façon, on aurait eu un budget réellement en équilibre, et on aurait ménagé davantage les forces productives du pays.

Il y aurait beaucoup à dire encore pour relever les erreurs qui circulent sur la question des contributions, mais nous nous arrêtons. Nous avons voulu seulement pour aujourd’hui montrer que, l’impôt étant la rémunération d’un service rendu par l’état et dont tout le monde profite, tout le monde également doit le payer, qu’il faut le rendre proportionnel et non progressif, car la progression est injuste et arbitraire, et a pour conséquence de décourager l’épargne et de ruiner la richesse publique, tandis que la proportionnalité est fondée sur la justice et sur toutes les lois de l’économie politique. Et on n’arrive bien à la proportionnalité qu’avec des impôts indirects et surtout avec ceux de consommation, parce qu’ils suivent la fortune dans ses manifestations diverses. Si ces vérités étaient admises et devaient servir de règle désormais pour l’établissement des taxes, notre but serait atteint et nous aurions peut-être fait quelque chose d’utile pour la science économique.


VICTOR BONNET.

  1. On vient enfin de l’abolir.