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réussir à élever une construction politique plus utile et plus résistante.


II.

Le problème politique qui s’impose à nous consiste à trouver la constitution la mieux appropriée aux besoins de la France moderne, et ce problème, on ne peut le résoudre que par la méthode expérimentale, la seule vraie, la seule efficace dans les sciences politiques aussi bien que dans les sciences naturelles. Il faut donc étudier dans leurs caractères essentiels les différens régimes politiques sous lesquels la France moderne a vécu, monarchie constitutionnelle, empire, république, et reconnaître à quels besoins ils suffisaient, à quels besoins ils ne suffisaient point. Cela fait, on aura quelques indications positives sur les données du problème, on saura ce que l’expérience a consacré, ce qu’elle a condamné, et on se fera une idée approximative de la constitution qui peut s’adapter le mieux à l’état actuel de la France.

Commençons cet examen sommaire par la monarchie constitutionnelle telle que l’avait établie la restauration, en la greffant sur la vieille théorie du droit divin. En vertu de cette théorie, le roi légitime possédait un droit supérieur et imprescriptible au gouvernement de la France, et, s’il arrivait que ce droit dût être limité, réglé, il lui appartenait seul d’en définir les règles et d’en poser les limites. De là « l’octroi » de la charte, dont Louis XVIII avait emprunté à l’Angleterre les parties principales, sans rechercher d’assez près si une constitution peut être un article d’importation. La chambre des pairs, héréditaire comme la chambre des lords, était nommée par le roi, et la chambre des députés, appelée à jouer le rôle de la chambre des communes, représentait un corps électoral composé de propriétaires âgés de trente ans accomplis et payant une contribution directe de 300 francs; les députés n’étaient éligibles qu’à la condition de payer 1,000 francs d’impôts directs et d’avoir quarante ans accomplis. Sans renoncer au principe du droit divin, le roi se résignait dans la pratique à gouverner constitutionnellement, à l’anglaise, de concert avec ses deux chambres, par l’intermédiaire d’un ministère responsable. Ce régime a eu des mérites que tous les esprits impartiaux se plaisent à reconnaître : à l’extérieur, il a relevé la dignité et l’influence de la France; à l’intérieur, il a rétabli le crédit public, cicatrisé les plaies qu’avaient ouvertes vingt-cinq ans de guerre et deux invasions. L’administration était habile et probe, les dépenses étaient modérées, la France prospérait; cependant au bout de quinze ans une révolution que beau-