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chaque année ces millions d’oranges qui sont durant l’hiver l’objet d’un immense commerce avec l’Angleterre. Un peu plus haut, sur les pentes, s’étendent de jeunes bois où l’on rencontre, végétant côte à côte, les arbres les plus divers, originaires de toutes les régions tempérées du globe; mais ce sont les points culminans de l’île auxquels la nature semble avoir voulu réserver ses ornemens les plus grandioses. D’un côté, l’on y trouve enclavée la pittoresque vallée de Fumas, environnée de roches abruptes et traversée par une rivière d’eau chaude dont les sources brûlantes reproduisent en petit les phénomènes des geysers de l’Islande; de l’autre s’ouvre, à l’extrémité de l’arête montagneuse de l’île, la caldeira de Sete Cidade, dépression circulaire, profonde de 200 à 300 mètres, large de plus de 2 kilomètres, à parois taillées à pic, dont le fond renferme un village coquettement niché sur le bord d’un lac, au pied d’anciens cratères décorés d’une sombre verdure. — Graciosa, qui mérite encore aujourd’hui le nom expressif qu’elle a reçu lors de sa découverte, Fayal, dont la magnifique baie est un lieu de relâche et de ralliement recherché par les navires de toutes les nations, Corvo, célèbre par la légende du fameux cavalier dont le doigt mystérieux était tourné vers l’Amérique, possèdent des caldeiras, la plupart très régulières et quelques-unes plus profondes encore, relativement à leur diamètre, que celles de San-Miguel. — Des champs de maïs et de gras pâturages couvrent la longue crête formée par l’île de San-Jorge et s’étendent jusqu’au bord de hautes falaises dont les escarpemens vertigineux sont sillonnés de longs rubans de lave noire ou rougeâtre. — Santa-Maria et Florès, quoique d’origine également volcanique, semblent avoir été depuis plus longtemps respectées par les feux souterrains; en revanche, l’action de l’atmosphère y a marqué plus fortement son empreinte. A Florès particulièrement, les pluies ont creusé des ravins profondément découpés, des précipices fantastiques, sur la paroi desquels des plantes de la famille des composées étalent leurs corymbes dorés, dont le vif éclat est encore relevé par le ton verdoyant des fougères qui les accompagnent.

En somme, ce qui frappe surtout dans ces neuf îles disséminées sur une longueur de 800 kilomètres[1] au centre de l’Atlantique, c’est la puissance magnifique et pour ainsi dire le témoignage écrit des forces volcaniques qui, du sein de la terre, ont fait jaillir des torrens de matière ignée au milieu même des flots de l’Océan, et qui, semblables aux géans légendaires, ont accumulé les uns sur les autres des amas prodigieux de scories et de roches ; — c’est aussi le spectacle du travail infatigable de la mer pour recouvrer

  1. Les Açores sont comprises entre 39° 45’ et 36° 50’ de latitude nord, et 27° et 33° 40’ de longitude occidentale.