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crête du cône, les couches de tuf entaillées et déchiquetées forment comme un immense rempart décoré de bizarres couleurs. Quand on contourne extérieurement en bateau le pied de la falaise, on frémit à la vue de la texture granuleuse et du défaut apparent de cohésion de la roche qui compose le massif. Le tuf est cependant beaucoup plus résistant qu’on ne serait tenté de le croire; les pigeons ramiers, fort abondans aux Açores, et les hirondelles de mer, qui volent en bandes nombreuses aux alentours du mont, ne craignent pas de confier leurs nids aux anfractuosités de l’escarpement.

La forteresse qui occupe l’entrée du mont du côté de la ville a joué à deux reprises un rôle considérable dans l’histoire du Portugal. La première fois, moins d’un siècle après la découverte de l’île de Terceire, elle a servi avec éclat de suprême refuge à l’indépendance nationale. Le prieur de Crato, oncle de dom Manuel, le dernier roi, s’y maintint trois ans contre les forces de son redoutable compétiteur, le roi d’Espagne Philippe II. Le prieur avait été aidé par les flottes de l’Angleterre. Le secours de la France ne lui avait pas non plus fait défaut, et aujourd’hui le mont Brazil renferme dans un petit fortin en ruines un curieux témoignage de l’assistance donnée par notre nation au dernier défenseur de la nationalité portugaise. C’est un canon en bronze admirablement ciselé et orné des chiffres symboliques du roi Henri II de France et de Diane de Poitiers. La longueur totale de la pièce est de 2m, 80, l’embouchure a de 15 à 16 centimètres de diamètre. Autour de la bouche s’enroule une guirlande saillante de fleurs et de feuillages; à la face supérieure se présente une à enlacée avec le double D de Diane, puis des fleurs de lis et des à semées en quinconces sur toute l’étendue du bronze jusqu’aux tourillons. La culasse porte une grande à surmontée de la couronne royale, et en arrière un croissant entre deux arcs tendus par des cordes dont les bouts dénoués figurent des bois de cerf.

Le second événement mémorable dont la forteresse du Brazil a été le point de départ n’est autre que la révolution qui en 1833 a replacé sur le trône de Portugal la dynastie aujourd’hui régnante. Dom Miguel, nommé en 1826 régent du royaume au nom de sa nièce dona Maria, était parvenu au bout de deux ans à la supplanter et à s’emparer du pouvoir absolu. Soutenu par le clergé et par la noblesse du pays, il avait dans les provinces du continent dompté tous les obstacles et imposé son autorité à la plupart des possessions insulaires du Portugal. Seul de toute l’armée, un régiment de chasseurs en garnison à Terceire refusa de reconnaître l’usurpateur. L’un des propriétaires les plus influens de l’île, descendant des anciens capitaines donataires de Terceire, appuya la résistance de l’autorité de son nom, de sa fortune et de sa haute intelligence.