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m’a causée la vue de l’immensité du cercle dont il m’était donné d’occuper le centre.

Après avoir séjourné trois heures au sommet du pic pour recueillir les gaz qui s’y dégagent, je me remis en marché et le soir même, à neuf heures, je rentrais sans accident à Area-Larga. La descente du pic n’est pas toujours aussi aisée. Dans les temps de brume, il est facile de s’égarer au milieu de la succession monotone des ravins et des rochers qui se trouvent sur le chemin ; une petite erreur de direction, commise lorsqu’on est encore dans les parties hautes du mont, entraîne un écart d’autant plus considérable que l’on s’éloigne davantage du point de départ. Pour regagner la ligne que l’on a quittée, il faut contourner la montagne, opération toujours assez pénible à cause des inégalités du terrain, dd la mobilité des scories et des inextricables embarras que suscite la végétation.

Au mois de juillet dernier, j’ai entrepris de nouveau l’ascension du pic. J’avais résolu d’instituer sur la cime une série d’observations barométriques, à des heures convenues à l’avance, avec des personnes faisant aux mêmes momens des observations semblables au bord de la mer. On sait qu’à l’aide d’une formule due à Laplace on peut conclure de telles données l’altitude des points qui les ont fournies. Je devais ensuite opérer la mesure géodésique de la montagne par les procédés ordinaires de nivellement, et comparer les résultats obtenus par les deux méthodes. En un mot, le but que je me proposais était une vérification expérimentale de la formule établie par l’illustre astronome. La grande élévation et la raideur des pentes du cône., de Pico, la régularité de trois de ses faces, m’avaient semblé devoir constituer des conditions favorables pour une telle étude. Pour réaliser ce plan, je partis d’Area-Larga en compagnie d’un guide par une chaude soirée du mois de juillet. Après quelques heures île repos pris à mi-chemin à la clarté des étoiles, près des premières ondulations de la zone des pâturages, nous continuâmes lentement notre marche ascendante ; vers huit heures du matin, nous étions sur le bord du cratère. Quelques centaines de mètres au-dessous de nous, l’air, saturé de vapeurs, s’était peu à peu troublé, et bientôt un voile nébuleux nous avait dérobé la vue de la côte. Puis la nuée, de plus en plus épaissie, avait pris des teintes orageuses ; comme une formidable marée, elle montait, montait sans cesse, rétrécissant toujours l’espèce d’îlot aérien que nous occupions. Le soleil nous éblouissait encore de l’éclat de ses rayons, mais déjà nous sentions les approches du flot brumeux ; le vent du sud-ouest nous jetait au visage une poussière aqueuse, semblable à celle qui jaillit sur les écueils frappés par les vagues d’une mer en furie. Du point où nous étions placés, nous