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Depuis la découverte des Açores, Pico a été le siège de plusieurs éruptions volcaniques. Le 21 septembre 1572, après un violent tremblement de terre dont les secousses se prolongèrent pendant vingt minutes, cinq cratères, alignés transversalement au grand axe de l’île, s’ouvrirent non loin du village de Prainha do Norte et lancèrent des amas de matières incandescentes. La lueur produite fut telle qu’on l’apercevait de l’île de San-Miguel. Les coulées s’étendirent sur une largeur d’un mille, et s’avancèrent jusqu’à la mer, à une distance d’environ trois milles de leur point d’émission. À cette crise succéda une période de repos d’un siècle et demi. Le 1er février 1718, de très fortes secousses se firent sentir dans l’île presque tout entière, et bientôt une formidable explosion eut lieu sur le flanc septentrional du pic au-dessus du village de Bandeiras et de Santa-Lucia. Les anciens phénomènes volcaniques sont seuls capables de donner une idée de la vaste déchirure qui se produisit. Sur l’emplacement de cette éruption, on distingue encore aujourd’hui sept bouches alignées du nord au sud. La plus basse est à une altitude de 800 mètres ; la plus élevée est située à un niveau plus haut de 400 mètres. Au-delà, le pic est entaillé presque verticalement et s’élève sous la forme d’un talus rapide de plus de 1,000 mètres de hauteur. Cet effrayant escarpement est composé en grande partie, surtout à sa base, de fines scories, et à sa partie supérieure, de bancs de lave minces et fendillés, qui chaque année produisent des avalanches de pierres. Les matériaux incohérens rejetés par les bouches de cette éruption ont été tellement abondans, qu’ils forment deux collines parallèles sur les bords de la déchirure. Celle qui occupe le bord occidental est beaucoup plus considérable que celle qui se montre à l’est, d’où l’on peut conclure que pendant cette éruption le vent d’est a dominé. L’intensité de la projection démontre en outre le rôle important qu’ont joué les gaz et les vapeurs surchauffées dans ce mémorable événement. Quant à l’écoulement des matières en fusion, il n’a pas été proportionné à la violence du cataclysme ; néanmoins il a été assez considérable pour que les laves qui sont arrivées jusqu’à la mer aient formé en avant de la côte un promontoire d’environ 400 mètres de long.

Deux semaines s’étaient écoulées depuis le début de cette éruption, et les phénomènes paraissaient à peine en voie de décroissance lorsque subitement le sol se fendit de l’autre côté du pic, à l’ouest du village de San-João. Trois cratères se formèrent d’abord sur une même ligne droite ; puis un quatrième, très remarquable par la conservation d’une partie de la fissure sur laquelle il est implanté et par l’existence d’un autre cône concentrique dans son