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malgré la douceur et l’humidité du climat, le nouvel hôte n’a pas tardé à disparaître.

Avec le cyprin, le seul poisson d’eau douce que l’on ait signalé aux Açores est l’anguille commune de nos rivières de France. Elle ne se rencontre jamais dans les lacs, elle vit seulement dans quelques cours d’eau ; le savant zoologiste Morelet est porté à la regarder comme indigène à cause des conditions toutes spéciales dans lesquelles on la trouve. Des cascades de plus de 30 mètres de haut s’observent à la partie inférieure de plusieurs des ruisseaux qu’elle peuple ; il existe même à San-Miguel une petite rivière, la Gorriana, dans laquelle on en trouve de nombreux individus, et qui forme entre les villages de Maia et de Porto-Formoso une cascade d’environ 100 mètres, interrompue pendant l’été. On ne peut donc raisonnablement supposer que cette espèce se soit propagée d’une rivière à l’autre en franchissant par mer l’espace qui les sépare et en remontant des cascades aussi élevées ; d’autre part, Morelet ne veut pas admettre qu’il ait pu exister aux Açores un amateur de pisciculture assez passionné pour aller porter des anguilles dans la partie supérieure des principaux cours d’eau de l’archipel. L’idée de multiplier un poisson d’eau douce paraîtrait, dit-il, sans doute fort singulière aux insulaires des Açores. Cette hypothèse ne nous semble pourtant pas dénuée de vraisemblance, quand on songe aux efforts persévérans des Açoriens pour doter leur pays de ce qui peut l’enrichir en productions animales et végétales. On peut donc considérer l’anguille ainsi que les cyprins comme des poissons étrangers apportés et acclimatés aujourd’hui dans les eaux douces de l’archipel.

Les essais d’acclimatation tentés aux Açores ont porté jusqu’à présent de préférence sur les plantes. Les Anglais et les Américains, qui sont nombreux à Fayal, ont contribué beaucoup à propager le goût de l’horticulture. Un citoyen américain qui, sous le nom de Dabney, a pendant quarante ans exercé les fonctions de consul des États-Unis à Fayal, a été surtout l’agent principal de ce progrès. Cet homme distingué, descendant de la famille française de d’Aubigné, a imprimé à tout ce qu’il a touché le cachet de l’esprit entreprenant et ferme du vieux sang huguenot qui coulait dans ses veines. Les grands établissemens commerciaux de Fayal ont été son œuvre. Il est parvenu à fonder un commerce d’échanges régulier entre les Açores et le continent américain, et à faire de son île une sorte d’entrepôt pour les navires de tous pavillons qui sillonnent la partie voisine de l’Atlantique. Enfin, préoccupé de l’avenir réservé aux essais botaniques, il a transformé des champs à peine défrichés en jardins splendides, qui sont aujourd’hui le plus