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perpendiculairement les uns aux autres, des fils de laine de couleurs variées, de manière à figurer une sorte de damier multicolore, dont chaque, compartiment est divisé lui-même en petits rectangles de deux ou trois teintes différentes.

Fayal possède au fond de la baie d’Horta un petit fort dont les canons n’ont jamais eu d’emploi belliqueux ; ils servent à répondre aux salves des navires de guerre, à célébrer les fêtes nationales et les anniversaires religieux. Les soldats peu nombreux qui y tiennent garnison ne sont guère utiles que lorsqu’un vaisseau étranger vient stationner dans la rade et que des bandes de matelots descendent à terre pour jouir de quelques heures de liberté. Alors c’est parfois une tâche rude de maintenir la tranquillité dans les rues ordinairement si paisibles d’Horta ; il est arrivé dans de telles circonstances que le sang a coulé, et que la tranquillité n’a pu être rétablie que par l’intervention énergique de la force armée. De tels désordres sont heureusement fort rares ; aussi les marins de toutes les nations reçoivent-ils généralement un excellent accueil à Fayal. Nos officiers de marine sont unanimes pour vanter les agrémens de cette station. Avouons cependant que, durant notre déplorable guerre avec la Prusse, les sympathies de la population fayalaise n’ont pas été toutes du côté de la France ; l’absurdité de la déclaration de guerre nous avait aliéné plusieurs des meilleurs esprits. Deux camps d’opinion opposée s’étaient formés dans la ville d’Horta. La présence d’un navire prussien bloqué dans les eaux des Açores par une frégate française augmentait encore la division et rendait les discussions plus vives. Les jeunes filles elles-mêmes, prenant parti pour l’une ou l’autre des deux nations, portaient dans les bals, à leur corsage, de petits drapeaux aux couleurs du pays qu’elles favorisaient de leurs vœux. Toutefois la dureté des conditions que nous avons dû subir au terme de la lutte et surtout l’annexion violente de nos compatriotes d’Alsace et de Lorraine ont enfin ouvert les yeux de ceux qui nourrissaient contre nous les préventions les plus fortes, et nous ont ramené les cœurs. Il n’est plus maintenant aucun Açorien qui ne désire fermement la libération de la France et le rétablissement de sa prospérité.


F. FOUQUE.