Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/665

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devait s’arrêter. Le voyage, commencé en charrette, continuait à dos de mulets ; on profitait ! aussi des lacs, des cours d’eau rencontrés sur la route. La durée du trajet était de trois cents jours, un an avec les repos. On allait ainsi à travers toute l’Asie jusqu’au Cathay : c’est le nom qu’on donnait à la Chine. L’itinéraire de Pegolotti part du port de Tana dans la mer d’Azaf ; de là on gagne Astrakan, le désert de Kamo et le Hoang-ho. Le fameux voyage de Marco Polo, de Venise à Pékin, date de ces temps-là (1271). Pegolotti indique les précautions qu’il faut prendre, les choses dont il faut se munir : un truchement, deux domestiques, une femme qui parle la langue du pays, de la farine et du poisson salé ; le reste, viande et d’autres provisions, se trouve en abondance sur la route. Le coût du voyage, aller et retour, est estimé de 600 à 800 florins d’or, et Pegolotti suppose que le traitant emporte pour 25,000 florins de marchandises, y compris des lingots d’argent. Aujourd’hui encore les lingots d’argent ou les piastres mexicaines sont admis dans ces régions de préférence à toute autre monnaie. En arrivant en Chine, on échangeait ces lingots, et tout l’or qu’on avait contre des billets de banque au sceau de l’empereur régnant. Le voyage était sûr ; on n’était guère pillé ni mis à contribution le long du chemin. Le cas était prévu où le voyageur mourait en route de mort naturelle, ce qui devait arriver quelquefois ; des règlemens particuliers déterminaient alors comment les biens qu’il avait portés avec lui devaient faire retour à ses héritiers.

Les soucis d’un commerce si étendu avec l’extrême Asie ne faisaient pas oublier aux Florentins le trafic avec les diverses places d’Europe. La France était pour eux un des principaux pays de transit. Ils y avaient établi des succursales, ce qu’on nommait des hôtelleries (Paris, Caen, Lyon, Arles, Perpignan, Carcassonne, Sainte Gilles, Avignon, Aigues-Mortes, Narbonne, Montpellier, Nîmes), ou les envoyés, des maisons de banque et de marchands se reposaient, trouvaient un gîte assuré, recevaient leur correspondance, mettaient leurs marchandises en dépôt. Les hôteliers (ostellieri) étaient sous la surveillance des consuls ou agens de l’art de la laine à l’étranger, ainsi que les deux courriers pour les arrhes et les paiemens qui partaient chaque année de Florence, délégués par les consuls de la laine. Le premier assistait aux transactions et fixait les arrhes entre les parties contractantes ; le second intervenait dans l’exécution des contrats, dont les paiemens étaient couverts par des lettres de change. Outre les consuls, et agens de la laine à l’étranger, la république envoyait quelquefois ; elle-même des délégués spéciaux. Les marchés, se faisaient principalement dans les foires ; à celles de Champagne, qui se tenaient à Bar-sur-Aube, Troyes,