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dépouillée. Cette aristocratie comptait dans ses rangs les plus riches armateurs et les plus habiles capitaines. Il lui fut facile de reprendre l’ascendant que le peuple n’accorde jamais d’une façon bien durable aux élus qu’a choisis son caprice. Kriezis, Tombazis et Sachtouris se prononcèrent avec éclat contre les démagogues. L’élévation d’Oikonomos n’avait pas été plus soudaine que ne le fut sa chute. Abandonné de tous, de ceux même qui l’avaient le plus chaleureusement acclamé, ce favori d’un jour s’enfuit, trop heureux de pouvoir s’enfuir la vie sauve, et alla chercher sur le continent un théâtre moins ingrat pour son zèle. Il n’y trouva, après mainte aventure, que la perte de sa liberté d’abord et bientôt après de la vie : éternelle fortune des Gracches, qui ne corrigera pas leurs émules !

La flotte ottomane avait enfin quitté Constantinople. Le 3 juin 1821, elle sortait du canal des Dardanelles. Cette flotte se composait de deux vaisseaux de ligne, de trois frégates et.de trois corvettes. Elle était sous les ordres du riala-bey. Il eût fallu un armement plus considérable pour amener le déplacement du capitan-pacha ou du capitan-bey. Le premier était l’amiral, l’autre le vice-amiral de la flotte du sultan ; le riala-bey n’en était que le contre-amiral. Nous retrouvons ainsi chez les Turcs l’organisation hiérarchique des flottes du XVIIe siècle, chez les Grecs les procédés d’armement du XVe. La marine d’Angleterre fut la première à posséder un certain nombre de capitaines entretenus et un cadre permanent d’officiers subalternes ; mais nulle puissance n’eût mis une flotte en mer sans lui donner pour la circonstance un amiral posté au centre du corps de bataille, un vice-amiral chargé de conduire la tête de l’armée, un contre-amiral destiné à régler les mouvemens de l’arrière-garde. Dès que l’amiral avait reçu l’ordre d’équiper la flotte, il délivrait lui-même les commissions d’officiers et de capitaines. Parmi les capitaines, il choisissait ses deux lieutenans, le vice-amiral et le contre-amiral. Ces désignations indiquaient donc une fonction plutôt qu’elles ne conféraient un grade. L’organisation des plus grandes marines européennes conserva un caractère essentiellement temporaire jusqu’au milieu du XVIIe siècle, et c’est sur ce patron antique que la marine ottomane était restée constituée. Les Turcs n’ont rien inventé que je sache ; mais leur apathie a montré une puissance de conservation qui jusqu’ici n’avait appartenu qu’aux cendres de Pompeïa et aux laves d’Herculanum.

Quant aux Grecs, il faudrait peut-être remonter jusqu’au temps de François Ier pour se faire une idée exacte des institutions et des allures de la marine militaire qu’ils venaient d’improviser. « Le bourgeois du navire et l’avitailleur » ne recevaient pas toujours la