Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/805

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

géographiques, des tableaux d’histoire naturelle élémentaire. Dans un coin, voici la petite bibliothèque, sur laquelle on a placé une sphère terrestre ; plus loin, une armoire contient tous les ustensiles qui peuvent servir à démontrer le système métrique, depuis le litre jusqu’à la chaîne d’arpentage. C’est complet, et un maître intelligent peut tirer bon parti de cet outillage. Dans les classes élémentaires, on se contente de suspendre des tableaux de lecture, dont plusieurs m’ont paru conçus sans méthode et trop au hasard[1]. On est assez silencieux, les devoirs sont bien faits, les dictées sont bonnes, l’orthographe est très souvent irréprochable, et le corps d’écriture nettement formé. On profite de toute occasion pour inculquer aux enfans des idées de morale, de respect, de sobriété. Autant que l’école le permet, on môle à l’enseignement une dose appréciable d’éducation. J’ai entendu un instituteur raconter l’histoire des patriarches ; arrivé à Noé, il sut parler de l’ivresse en termes que n’aurait point désavoués un membre de la Société de tempérance.

En général, la leçon n’est qu’une série d’explications renouvelées qui met le professeur en rapports constans et personnels avec ses élèves ; plût au ciel que ce système fût adopté pour l’enseignement secondaire, car il produit d’excellens résultats. J’ai été très vivement frappé d’entendre des fillettes et des garçonnets de douze à treize ans, interrogés par moi au hasard, répondre très lestement et sans erreur à des questions sur les règnes de Charles VI et de Louis XI. J’ai renouvelé l’expérience dans plusieurs écoles, laïques ou congréganistes, et j’ai emporté cette conviction, qu’une causerie du maître, interrogeant tous ses élèves à la fois, excitant leur émulation, posant la question et disant : Qui veut la résoudre ? est un mode d’enseignement qui anime l’écolier, l’occupe, le réveille et lui apprend, — toute l’éducation est là, — à faire un effort sur lui-même. Le programme d’études rédigé par la direction de l’enseignement primaire, le journal des classes, l’ordre des exercices imposés, sont suivis à la lettre ; mais tant vaut le maître, tant vaut l’école, et les instituteurs qui ne voient dans la pédagogie qu’une besogne rebutante n’auront jamais que de fort médiocres élèves, tandis que ceux qui aiment leur métier, qui sentent qu’ils remportent une victoire toutes les fois qu’ils fécondent les facultés natives de l’enfant, qui en un mot ont le feu sacré, obtiennent de

  1. Notamment ceux-ci, que j’ai relevés dans une salle d’asile : « le merle noir et le bel insecte ; — Martin, tu es leste, ôte ta veste et saute à la mer ; — il faut aimer la vertu ; — le brave monte à la grande brèche ; — le nègre prépare le sucre si bon ; — Clémentine a du chagrin. » Autant que possible les exemples de lecture doivent être composés de façon à donner à l’enfant une notion utile quelconque.