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leurs écoliers de véritables tours de force. Dans la Rue-Neuve-Coquenard, au fond d’une impasse, un instituteur laïque a su inspirer la passion de la géographie aux enfans qu’il dirige, et avec eux il a créé un chef-d’œuvre. Sur les murailles du préau de l’école, il a fait peindre par des élèves de douze à quatorze ans dix-neuf grandes cartes géographiques et vingt et une plus petites. On ne s’est pas contenté de figurer les cinq parties du monde, on a pris l’Europe, on a pris la France, et on les a représentées aux différentes phases de leur histoire ; de plus, des tableaux réellement peints et dessinés donnent la hauteur comparative des montagnes et le cours des principaux fleuves du monde. Ce travail est admirable et a dû exiger des études très sérieuses de la part de ceux qui l’ont exécuté. — Les tableaux couvrent les murs du préau, c’est-à-dire de l’endroit où les enfans mangent, où ils déposent leurs casquettes, où ils jouent, car il n’y a pas de cour ; ils sont donc dans l’endroit le plus exposé aux avariés de toute sorte, — eh bien ! toutes ces belles cartes sont indemnes, pas une d’elles ne porte seulement trace d’un coup de crayon ; — me rappelant la façon dont nous traitions les murs du collège, je n’en croyais pas mes yeux.

Il est impossible d’étudier attentivement les écoles primaires sans reconnaître que la femme possède des facultés pédagogiques bien supérieures à celles de l’homme ; chez elle, c’est comme un instinct : tout concourt à le développer, sa mission naturelle et ses goûts. Pendant que le petit garçon casse le nez de son pantin et lui ouvre le ventre pour voir ce qu’il y a dedans, la petite fille dorlote sa poupée, la couche, la soigne, la gronde, l’instruit, et bien souvent lui fait une morale dont elle aurait besoin elle-même. Cette sorte de maternité latente apparaît chez des institutrices de vingt ans et chez des sœurs de charité. Les Américains et les Suédois ne l’ignorent pas, car c’est aux femmes qu’ils confient l’éducation des enfans des deux sexes jusqu’à l’âge de douze ans, et ils font bien. Du reste, comme écolières, les petites filles sont plus intéressantes que les petits garçons ; bien plus que ceux-ci, elles sont ambitieuses, ardentes, primesautières, elles veulent tout apprendre et demandent toujours à répondre, même quand elles ne savent rien. Elles ont de jolies mines effarouchées lorsqu’on les gronde, et pendant les récréations elles causent entre elles, se groupent comme pour se recevoir mutuellement, et se divertissent fort à jouer à « la madame. »

Lorsqu’on pénètre dans une école de filles, qu’on voit les escaliers cirés, les vitres bien transparentes, les tables frottées à la cire, il est inutile de demander si l’on est chez des congréganistes ou des laïques ; on est dans une maison dirigée par les sœurs de