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son budget de 10,000 francs réduit à 7,500 francs ; cette somme misérable doit suffire aux achats et à la reliure. Quant aux cultures, on jugera du travail surhumain qu’elles exigent : aux en, virons de Paris, un hectare maraîcher occupe quotidiennement six ouvriers ; le Muséum est tellement pauvre que pour la même étendue de terrain il ne peut employer que trois hommes, payés de 2 francs à 3 francs par tête. Pour le service des serres, le budget des achats est de 600 francs par an ; il n’est donc pas étonnant que nos collections soient singulièrement dépassées par celles des industriels qui font métier de vendre des plantes rares. Ces cages vitrées, si vastes qu’elles soient, ne sont pas assez élevées ; on a été forcé d’étêter des palmiers qui, avant d’avoir atteint leur taille normale, allaient défoncer les vitrages supérieurs ; les fougères sont grillées par le soleil ou déformées par la pression contre la toiture. Les appareils de chauffage sont bons, « mais ces appareils quadrangulaires, placés au-dessous du niveau du sol, en sont isolés, des deux côtés seulement, par une tranchée si étroite, que l’on conçoit malaisément d’abord comment un homme peut s’y introduire, et moins encore comment il peut s’y mouvoir. Le remaniement de ces réduits serait un acte d’humanité. » Tous les professeurs, interrogés les uns après les autres, répondent invariablement : ce qui manque au Muséum, c’est de la place et de l’argent ; si l’on ne vient sérieusement à son secours, il périt.

Une nouvelle commission, instituée en 1863, reproduit dans des termes moins accentués toutes les observations présentées dans le rapport de 1859 ; rien n’était changé, rien n’est changé. On éponge encore les pachydermes empaillés ; l’eau tombe encore du plafond, coule le long des murailles, suinte sur le plancher. Cependant on a acheté de l’alcool : en parcourant les salles en décembre 1872, j’ai vu qu’on remplissait les bocaux ; mais les collections sont invisibles, tant les animaux sont pressés les uns contre les autres. Les ruminans sont littéralement en troupeaux, tassés comme des moutons qui sentent le loup ; les oiseaux, si plaisans à regarder, si intéressans à étudier, sont placés en retrait sur dix rangs de profondeur ; les sauriens, conservés en bocaux, sont empilés dans d’admirables armoires sculptées qui jadis ont contenu la bibliothèque de Buffon, mais dont les larges cadres de bois empêchent de voir ce qu’ils renferment. La collection d’anthropologie toute récente, si curieuse, formée à grand’peine par un savant amoureux des belles notions qu’il professe, est non pas réunie, mais dispersée, dans une vingtaine de pièces situées à différens étages, dans trois corps de logis distincts ; elle est d’hier, et déjà elle manque d’espace. En somme et d’un mot, les galeries sont des magasins ; il n’y a pas de