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d’envie : on ne les paie pas, on leur dispute les moyens de travail, et on les invective volontiers ; dès qu’ils ne commencent pas leur leçon par une profession de foi orthodoxe, on les traite de matérialistes, et on les accuse d’attaquer la morale chrétienne, — comme-si la religion et la science n’étaient point choses essentiellement distinctes, comme si elles ne pouvaient marcher parallèlement sans se heurter dans des champs-clos où elles ne font que se blesser mutuellement sans profit pour personne.

Par ce qui précède, on a pu juger de la misère qui accable notre enseignement supérieur ; il est bon néanmoins de citer quelques chiffres, car les facultés rendent au trésor une partie de l’argent qu’elles en reçoivent. En effet, les rétributions versées par les étudians pour inscriptions, examens, certificats d’aptitude, diplômes, n’appartiennent pas à l’instruction publique, elles sont versées dans les caisses de l’état. J’ai sous les yeux les comptes des dix dernières années ; ils sont intéressans à étudier. En admettant que le budget moyen de l’enseignement soit de 4 millions, et en défalquant le total des sommes reçues par les facultés, on trouve que la France a dépensé pour cet objet :


En 1863 595,356 fr. En 1868 80,061 fr.
En 1864 490,896 fr. En 1869 171,554 fr.
En 1865 180,849 fr. En 1870 891,951 fr.
En 1866 231,274 fr. En 1871 1,200,278 fr.
En 1867 258,552 fr. En 1872 80,311 fr.


Donc un peu plus de 1,200,000 francs dans une année exceptionnelle où nos facultés sont désertes, c’est là le maximum ; le minimum ne s’élève pas à 81,000 francs. Cela est de nature à nous faire réfléchir. Le ministre de l’instruction publique, visitant l’École pratique de médecine le 3 février 1864, disait : « Il faut que le budget cède à la science, et non la science au budget. » Voilà un conseil auquel désormais il serait sage d’obéir. Faut-il procéder par annuités, faut-il au contraire avoir le courage de faire une large dépense immédiate ? C’est ce que les pouvoirs publics auront à décider. Qu’ils sachent bien seulement qu’ils se trouvent en présence d’une vieille construction qui se lézarde, qui menace de s’écrouler, qui ne tient plus qu’à force d’étançons, et qu’il est urgent de la reprendre depuis les fondations jusqu’au faîtage. Dans cette grosse question, j’ai peur qu’on ne sacrifie l’enseignement supérieur à l’enseignement primaire, et qu’on ne lâche la proie pour l’ombre. Il en est de l’instruction comme des pluies fécondantes, elle tombe de haut et ne remonte jamais. Après Iéna, lorsque la Prusse n’existait réellement plus, elle n’alla pas chercher des maîtres d’école, elle fit