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ramenés par la chimie à des élémens simples ; de même dans l’ordre de la vie, les organes sont des composés dont la physiologie doit rechercher les élémens. Cette révolution a été opérée par l’immortel Bichat. C’est lui qui a eu la pensée de rechercher et d’étudier les premiers élémens de l’organisation, qu’il appelle les tissus. Les tissus ne sont pas les organes : un même organe peut être composé de plusieurs tissus ; un même tissu peut servir à plusieurs organes. Les tissus sont doués de propriétés élémentaires qui leur sont inhérentes, immanentes, spécifiques : il n’est pas plus possible de déduire a priori les propriétés des tissus qu’il n’est possible de déduire celles de l’oxygène ; l’observation et l’expérience seules peuvent les découvrir. Pour la physiologie philosophique ou physiologie générale, le seul objet est donc la détermination des propriétés élémentaires des tissus vivans. C’est à la physiologie descriptive de montrer comment ces tissus sont combinés en différens organes suivant les différentes espèces d’animaux, et d’expliquer les fonctions par le jeu de ces propriétés élémentaires de la matière vivante, dont elles ne sont que les résultantes. Partout où entre tel tissu, il y entre avec telle propriété ; le tissu musculaire sera partout doué de la propriété de se contracter, le tissu nerveux sera partout doué de la propriété de transmettre des sensations ou des mouvemens. Les tissus à leur tour ne sont pas les derniers élémens de l’organisation ; au-delà des tissus, on découvre le véritable élément organique, qui est la cellule. Ainsi les fonctions des organes ne seront plus que les diverses actions des cellules qui les constituent. On voit par là que la forme et la structure, quelque importantes qu’elles soientaupoint de vue de la physiologie descriptive, ne jouent plus qu’un rôle secondaire dans la physiologie générale.

Un autre physiologiste, M. Charles Robin, dont l’autorité en histologie et en micrographie est bien connue, exprime sur cette matière des idées analogues à celles de M. Claude Bernard, et même va plus loin que lui. M. Claude Bernard, tout en limitant la science à la recherche des propriétés élémentaires de la matière vivante, n’exclut nullement l’idée d’une mécanique savante dans la construction de l’organisme. Pour M. Robin au contraire, c’est une idée surannée et tout à fait fausse de se représenter l’organisation comme une machine. Cette opinion, répandue et mise en faveur par l’école de Descartes, a été exprimée en ces termes par un célèbre médecin anglais, Hunter ; « l’organisme, disait-il, se ramène à l’idée da l’association mécanique des parties. » C’est ce qui ne peut être soutenu dans l’état actuel de la science. On serait en effet par là conduit à penser qu’il peut y avoir organisation sans qu’il y ait vie ; ainsi, suivant Hunter, un cadavre, tant que les élémens