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se trouvent pas dans tous les êtres vivans ; mais elles peuvent se rencontrer dans tous, indépendamment de toute structure mécanique. L’étude des organes et de leurs fonctions n’est donc que l’étude des combinaisons diverses des élémens organiques et de leurs propriétés.

Si l’on considère maintenant les propriétés vitales et la première de toutes, la nutrition, on verra encore plus clairement la différence essentielle qui existe entre l’organisation et une machine. En effet, dans une. machine chacune des molécules reste fixe et immobile moléculairement, sans évolution. Si quelque changement de ce genre se manifeste, il amène la destruction du mécanisme ; au contraire au changement moléculaire est attachée la condition même d’existence de l’organisme. Le mode d’association moléculaire des principes immédiats, dans l’organisation, permet la rénovation incessante des matériaux sans amener la destruction des organes ; bien plus, ce qui caractérise l’organisation, c’est précisément l’idée d’évolution, de transformation, de développement, toutes idées incompatibles et inconciliables avec la conception d’une structure mécanique.

En résumant le sens général des théories physiologiques que nous venons d’exposer, et qui paraissent les plus appropriées à l’état de la science, on voit que non-seulement la physiologie s’affranchit de plus en plus, dans ses méthodes, du principe des causes finales, mais encore que, dans ses doctrines, elle se préoccupe de moins en moins de la forme et de la structure des organes, et de leur appropriation mécanique à la fonction : ce ne seraient plus là en quelque sorte que des considérations littéraires. Les corps organisés, les appareils qui composent ces corps, les organes qui composent ces appareils ne sont plus que des résultantes et des complications de certains élémens simples ou cellules dont on doit rechercher les propriétés fondamentales, comme les chimistes étudient les propriétés des corps simples : le problème physiologique sera donc, non plus, comme au temps de Galien, l’usage ou l’utilité des parties, mais le mode d’action de chaque élément ainsi que les conditions physiques et chimiques qui déterminent ce mode d’action. D’après les anciennes idées, l’objet que le savant poursuivait dans ses recherches, c’était l’animal, ou l’homme, ou la plante ; aujourd’hui c’est la cellule nerveuse, la cellule motrice, la cellule glandulaire, chacune étant considérée comme douée d’une vie propre, individuelle, indépendante. L’animal n’est plus un être vivant, c’est un assemblage d’êtres vivans, c’est une colonie ; quand l’animal meurt, les élémens meurent l’un après l’autre. C’est un assemblage de petits moi, auxquels même quelques-uns vont jusqu’à