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nombre des victimes du fléau fut de 750,000. Si ce chiffre est moins élevé que celui de 1770, cela tient à ce que les voies de communication créées depuis lors permirent, quoique trop tard, d’apporter des secours.

Le gouvernement anglais ne pouvait rester le témoin impassible de pareilles calamités sans encourir le reproche de manquer aux premiers devoirs de l’humanité, et par ses ordres diverses tentatives ont été faites pour combattre ces fléaux, ou tout au moins pour en atténuer les effets. On eut d’abord recours au moyen qui paraissait le plus naturel, l’établissement de digues longitudinales, grands amas de terre accumulés sur les bords des fleuves et d’une largeur de plusieurs kilomètres. Sous l’administration indigène, chaque village devait entretenir les digues situées sur son territoire ; mais depuis la domination anglaise ce soin incombe au gouvernement, car il n’est pas juste d’imposer à certaines communes les dépenses nécessaires à la protection du pays tout entier. Pendant les quinze dernières années, la dépense a été de 2,437,050 fr. Ce n’est pas la seule charge que les inondations imposent au gouvernement britannique. Celui-ci est en effet, après ces désastres, obligé de consentir à des réductions de taxes qui, de 1852 à 1866, se sont élevées à 2,638,400 francs, non compris la perte résultant des terres que la crainte de l’inondation a fait laisser incultes. Ce n’est encore que peu de chose en présence de la diminution progressive des ressources de la province, des récoltes détruites, de la misère des habitans, de la mort à laquelle des millions de sujets anglais sont incessamment exposés.

Le gouvernement a compris que, pour triompher du fléau, il fallait adopter des mesures d’ensemble, et il a ordonné les études nécessaires. D’après les projets présentés, il y aurait trois séries de travaux à entreprendre. La première aurait pour objet de régulariser les cours d’eau par la construction de digues protectrices ; mais, comme des doutes subsistent encore sur l’efficacité de ces digues, le gouvernement hésite à engager des sommes considérables pour un résultat qui peut être négatif. La seconde série consisterait dans l’ouverture de canaux ayant pour objet de dériver les eaux et de les utiliser pour les irrigations de la navigation. Trois barrages massifs, de 2 kilomètres de large, ont été jetés au travers des trois bras du Mahanadi, au-dessus de Cattack. Des réservoirs ainsi formés partent quatre grands canaux ; l’un se dirige vers Ganjam en passant par le lac Chilka, deux se rendent à la mer en traversant le delta sous des angles différens, et le quatrième contourne les montagnes, au nord des districts de Cattack et de Balasor, et doit plus tard déboucher dans l’Hugli, au-dessous de Calcutta. Sur les