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couverte de lacs et de marais, sillonnée de rivières au cours incertain,. cette contrée était habitée par des hommes appartenant aux races non aryennes. Leurs descendans vivent encore aujourd’hui sous leurs anciens noms, dans les jungles et les montagnes du centre, sans avoir rien changé à leurs mœurs ni à leur religion. Longtemps ils luttèrent contre l’invasion aryenne venant du nord ; mais ils succombèrent et furent repoussés loin des lieux habités par les vainqueurs. Considérés par ceux-ci comme appartenant à une race impure et inférieure, jamais ils ne se mêlèrent à eux, et ils sont représentés dans les livres sanscrits comme un objet d’horreur. La religion des Aryens était le brahmanisme, dont la principale divinité est Siva, l’universel destructeur ; les rites religieux avaient surtout pour objet, non d’implorer sa bonté, mais de détourner sa colère. Ce culte, qui était celui des classes privilégiées, maintenait impitoyablement la distinction des castes, et couvrit la province de villages brahmanes, dont les habitans avaient un caractère quasi religieux. Plus tard, sans qu’on puisse préciser à quelle époque, survinrent des migrations bouddhistes, qui s’opérèrent non par les armes, mais par une infiltration insensible. Les sectateurs de Bouddha vécurent d’abord dans les montagnes et les rochers, où ils creusèrent des habitations qui subsistent encore, et dont les plus récentes datent du Ve siècle avant l’ère chrétienne. Le culte de Bouddha est beaucoup plus humain que celui de Siva et plus spiritualiste. Les missionnaires de cette religion avaient quelque ressemblance avec les moines chrétiens du moyen âge ; comme eux, ils rayonnaient autour des lieux où ils s’étaient établis, prêchant à tous l’amour du créateur et sans imposer d’autres prescriptions que la charité pour tous les hommes, l’obéissance aux parens, le respect de la vie et la propagation de la vraie foi. Pendant de longs siècles, les deux religions vécurent côte à côte, et, suivant que les princes d’Orissa appartenaient à l’une ou à l’autre, elles eurent des alternatives de prospérité et de délaissement. Comme en Europe, c’est du Xe au XIIIe siècle que l’architecture religieuse atteignit son apogée ; mais les monumens de l’Inde surpassent de beaucoup en beauté ceux que nous avons sous les yeux.

Lorsque les musulmans envahirent, au XVIe siècle, la province d’Orissa, ils détruisirent les temples, brisèrent les statues et transformèrent les palais indiens en écuries pour leurs chevaux. Néanmoins leur domination ne fut jamais assez complète pour imposer aux habitans une nouvelle religion. Le culte de Bouddha resta celui de la plus grande partie de la population ; mais il se transforma et se modifia suivant les dispositions spéciales de ses sectateurs. Dans