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L’enceinte sacrée a la forme d’un carré de 200 mètres de long sur 190 de large ; elle est protégée contre les regards profanes par un mur massif de 6 mètres de haut. Dans l’intérieur sont 120 temples dédiés aux diverses formes sous lesquelles les Hindous se sont figuré la divinité ; mais la grande pagode est celle de Jagannath : c’est une tour conique, sculptée avec art, de 58 mètres de haut, noircie par le temps et couronnée de la roue mystique de Vichnou. Le temple se compose de quatre chambres communiquant l’une avec l’autre. La première est la salle des offrandes, la deuxième celle des danseuses et des musiciens ; la troisième est la salle d’audience, d’où les pèlerins contemplent le dieu, la quatrième enfin est le sanctuaire surmonté de la tour conique : c’est là qu’est Jagannath avec son frère Balabhadra et sa sœur Subhadra, ornée de bijoux. Ce sont des blocs de bois grossièrement taillés et représentant un buste humain ; ils sont couverts de vêtemens d’or, mais n’ont ni pieds ni bras, parce que, disent les prêtres, le maître du monde n’en a pas besoin pour exécuter ses desseins. Les offrandes consistent en fleurs, en fruits, en produits de toute espèce, destinés à la nourriture du dieu ; pendant ses repas, les portes sont fermées, et les pèlerins relégués dans les premières salles, où ils récitent leurs prières. Vingt-quatre fêtes, dont la principale est celle du char, pendant laquelle on promène la dent de Bouddha, ont lieu chaque année, et attirent de toutes les parties de l’Inde des multitudes de pèlerins.

Ce désir de visiter le berceau de la religion n’est pas particulier aux populations indiennes. Voir les lieux que Dieu a habités, se plonger dans les eaux où il s’est baigné, s’arrêter sous les arbres séculaires qui l’ont abrité, prier sur la montagne qui a entendu ses enseignemens, suivre sur le roc la trace de ses pas, ce fut toujours l’ambition de tous les vrais croyans, à quelque religion qu’ils appartiennent. Au moyen âge, les nations européennes encore barbares, oubliant leurs discordes, s’en allèrent ensemble à la conquête des sanctuaires du christianisme. Elles rougirent de leur sang les sables de la Syrie, et même à notre époque peu enthousiaste un courant de pèlerins venant d’Asie, d’Europe, d’Amérique, de Turquie, des montagnes torrides de l’Abyssinie, se précipite vers la terre-sainte au moment des fêtes chrétiennes. Tout bon musulman veut avoir vu La Mecque, et ne recule devant aucune privation pour atteindre son but ; mais nulle part cet amour du pèlerinage ne se manifeste au même degré que dans l’Inde. Jour et nuit, des troupes de dévots arrivent à Puri, et campent dans les villages à plus de 300 milles en avant, sur les routes conduisant à Orissa. Ils forment des bandes de 200 à 300 qui, aux approches des