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leur voyage à une autre année ; pendant la famine de 1866, il les a même arrêtés sur la route et leur a fait rebrousser chemin sans que son intervention ait été considérée comme abusive ; toutefois dans cette direction son action est très bornée. Les mesures destinées à diminuer le danger du voyage sont plus efficaces. On a construit pour cela le long des grandes routes des hôpitaux dans lesquels les municipalités sont tenues de recueillir et de soigner les pèlerins hors d’état d’aller plus loin. Les officiers anglais s’acquittent de cette tâche avec beaucoup de zèle, et ramassent des centaines de malheureux qui, faute de soins, mourraient dans les vingt-quatre heures. Il serait désirable qu’on établît un service de patrouilles dans toute l’étendue de la province ; mais les frais seraient très élevés. Bien des personnes d’ailleurs s’opposent aux dépenses de cette nature, sous prétexte qu’il est injuste de faire payer à la communauté les conséquences des actes que les pèlerins commettent de leur plein gré. Il ne faut pas perdre de vue pourtant qu’en temps de choléra c’est la santé publique qui est en jeu. Un autre moyen d’atténuer le danger consiste à interdire aux pèlerins l’entrée des villes, et de préserver ainsi celles-ci de l’épidémie ; Cattack, la capitale d’Orissa, autrefois régulièrement décimée, est, depuis l’application de cette mesure, à l’abri du fléau. En dehors du cordon sanitaire, des marchands vont vendre aux pèlerins la nourriture dont ils ont besoin. Ce serait à Puri même qu’il importerait surtout de combattre le mal, puisque c’est là qu’il prend naissance. Cependant ce n’est qu’en 1867 qu’un médecin y fut installé. Il faudrait avant tout, par l’établissement de campemens extérieurs, empêcher l’entassement des pèlerins dans les maisons. Des baraques mobiles de bois ou de fer, fréquemment nettoyées, répondraient à ce but. La construction d’hôpitaux, l’exécution de certains travaux de drainage, contribueraient puissamment à rendre plus sain ce foyer d’infection. Ce sont là des entreprises très dispendieuses et que le gouvernement serait obligé de prendre à sa charge, car la ville de Puri elle-même est très pauvre, les sommes énormes qu’apportent les pèlerins étant enfouies dans les coffres du sanctuaire, d’où les collecteurs n’ont aucun moyen de les faire sortir. On a proposé aussi de réglementer les auberges et de les soumettre à l’inspection des officiers de santé ; mais, si l’on fermait tous les logemens insalubres, les pèlerins ne trouveraient plus à s’abriter, et seraient forcés de rester dans les rues. Ces mesures seraient vues d’un très mauvais œil.

Le gouvernement britannique se trouve donc ici encore en présence, d’une part, de l’ignorance et de la méfiance du peuple, dont il faut ménager les préjugés, de l’autre, des dépenses colossales qu’entraîneraient les travaux publics à exécuter et les