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sont bien traitées jusqu’au moment du sacrifice, que le patriarche accomplit en prononçant ces paroles : nous vous avons achetés à prix d’argent ; aucun péché ne pèse plus sur nous.

La conquête de ces provinces en 1836 ne modifia en rien la constitution intérieure des tribus, qui conservèrent leurs patriarches et leurs territoires, mais qui furent reliées entre elles par le lien supérieur du gouvernement anglais, représenté par un officier que soutient une police respectable. Le gouvernement n’intervient que pour empêcher les luttes sanglantes entre les tribus et pour réprimer les crimes contre les personnes ; il n’a pas même cru pouvoir empêcher directement les sacrifices humains ; cependant il est arrivé au même résultat par une voie détournée, c’est-à-dire en poursuivant les pourvoyeurs d’enfans. Il leva des troupes chez les Kandhs pour maintenir les autres tribus dans le devoir, ouvrit des routes et créa des marchés. Aujourd’hui les négocians hindous pénètrent avec leurs buffles chargés de sel, de coutellerie et de vêtemens jusque dans les parties les plus reculées, et les échangent contre des teintures précieuses et autres productions de la montagne. Ces peuplades ne paient aucun impôt.

Le second système de gouvernement adopté par les Anglais est celui des états tributaires. Il consiste à laisser à la tête de chacun de ces états leur prince héréditaire ou rajah, qui moyennant un tribut modique s’assure la protection de l’Angleterre contre les attaques du dehors et contre les révoltes du dedans. Il conserve son autorité dans tout ce qui concerne l’administration intérieure de l’état, juge tous les procès civils, mais ne peut infliger de peines supérieures à sept années d’emprisonnement ; les peines plus élevées sont sanctionnées par le gouverneur. Il n’y a dans ces états aucune ville, on n’y trouve que de simples villages. Les tribus agricoles paient une légère redevance au rajah, et jouissent de la terre comme si elles en étaient propriétaires. Les autres errent autour des forêts, vivant dans des huttes de feuillage ; elles mettent le feu aux jungles, font quelques récoltes de riz ou de coton, et, quand le sol est épuisé, s’en vont plus loin recommencer la même opération. Les efforts tentés pour les fixer ont été infructueux. Ces sauvages ne demandent à la terre que ce qu’elle peut produire sans aucun travail et passent leur temps à festoyer, à danser et à dormir étendus au soleil devant leurs huttes. S’ils ont momentanément besoin d’argent, ils vont dans la forêt voisine, coupent quelques arbres, et les vendent aux marchands de la plaine pour le quart de la valeur. Ils refusent de payer aucun droit pour jouir d’une terre qu’ils considèrent comme à eux depuis le commencement et dont ils ne veulent pas se laisser déposséder. Depuis quelque temps, le