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terprétations passionnées et excitantes. C’est là en effet un des côtés curieux et un des dangers de cette situation où l’on semble passer le temps à compliquer les difficultés en paraissant les éluder. La conciliation, elle est toujours sans doute une sorte de nécessité supérieure qui s’impose, qui fait sentir sa puissance aux plus récalcitrans ; au fond, on la désire, on doit la désirer. Ce qui la compromet, c’est l’intervention incessante de l’esprit de parti dénaturant tout, ravivant de son mieux les divisions et les mésintelligences, mettant aux prises les amours-propres et les susceptibilités.

Depuis qu’on est à la poursuite de cette conciliation nécessaire, l’esprit de parti est occupé à défaire chaque matin par les commentaires et les excitations ce qu’on avait cru fait la veille. Que M. Thiers accepte les conditions auxquelles on veut le soumettre, qu’il se fasse un devoir de dissiper tous les ombrages, d’aplanir toutes les difficultés, aussitôt les partisans de la majorité de la commission ne dissimulent plus leur orgueil, ils triomphent de ce qu’ils appellent la défaite du pouvoir exécutif ! Ils ont réussi à réduire, à humilier le président de la république ! ils ont raturé le message et contraint M. Thiers à se désavouer, à faire amende honorable ! Que les concessions viennent de la commission, aussitôt on triomphe d’un autre côté en représentant ces concessions comme une marque de faiblesse, comme une retraite intéressée devant l’animadversion du pays. On raille les trente sur leurs prétentions qu’ils n’osent pas pousser jusqu’au bout ; on encourage M. Thiers à tenir ferme, à ne rien céder, à braver le conflit, s’il doit y avoir conflit, et on irait presque jusqu’à lui suggérer des pensées de dictature contre L’assemblée. Ces excitations en sens contraire ne produisent pas tout leur effet sans doute » elles dénaturent tout et obscurcissent tout en faisant renaître les défiances et les malaises. Ce qu’on avait accepté pour le bien de la paix, on ne l’accepte qu’à demi, on ne l’accepte plus même quelquefois sous la pression des partis, sous le coup des interprétations injurieuses, et c’est ainsi qu’on arrive à ne plus même savoir si on s’entend ou si on ne s’entend pas. M. le duc de Broglie, qui vient d’être nommé rapporteur de la commission des trente, aura certes rendu un service éminent, s’il porte la lumière dans ces confusions, s’il apaise toutes ces dissensions par l’habileté modérée de son langage, et surtout s’il ramène à des termes simples et équitables la transaction qui se négocie si péniblement depuis deux mois.

Cette transaction est toujours nécessaire. Le meilleur moyen de la réaliser, c’est de rester dans la simple vérité d’une situation qui n’est point facile assurément, mais qu’on n’améliore pas en méconnaissant ou en essayant de violenter la nature des choses. Que la commission des trente réserve dans un préambule à l’assemblée un droit constituant que personne ne lui dispute sérieusement, soit ; puisqu’on ne se sent pas